COOPERATION JUDICIAIRE FRANCE-CAMEROUN, DES DECENNIES APRES

Coopération judiciaire franco- camerounaise : une coopération fructueuse

La coopération judiciaire fait référence au sens strict  à une coopération internationale entre les organes judiciaires d’Etats différents, pouvant comprendre l’entraide, la reconnaissance et l’exécution des jugements.

La coopération judiciaire franco-camerounaise a démarré bien avant 1960. Tenez, après avoir été lors de l’occupation allemande le tribunal des races, ce bâtiment qui abritait sous le règne français l’ancienne résidence du chef de circonscription, devint en 1930, la Cour d’Appel du littoral et c’est en fin 1931 que les français achèvent  la construction de ce joyau. Ce sont les français qui y étaient Chefs de Cour et progressivement, les greffiers-délégués étaient alors envoyés en France pour leur formation. Petit à petit les camerounais remplacèrent les français   C’est donc à juste titre que je rappelle que la France est un partenaire historique à privilégier.

Signés le 21 Février 1974, au nombre d’une vingtaine, si l’on tient compte de l’ensemble des actes (y compris les annexes, les protocoles d’accord, et les échanges de lettres), ces textes se substituent aux accords cadres du 13 Novembre 1960.

En ce jour anniversaire, il m’échoit l’honneur de faire l’état des lieux de cette coopération judiciaire.

En dépit des mutations inévitables survenues depuis l’indépendance, les partenaires français et camerounais se sont efforcés de ne pas remettre totalement en cause le système jadis mis en place et ont sauvegardé l’esprit qui avait guidé l’élaboration des accords de Coopération de 1960.

Les Etats camerounais et français avaient manifesté le 21/2/74 leur désir d’entretenir une coopération judiciaire, dans l’esprit d’une compréhension mutuelle et de confiance réciproque. Il était question d’entraide à travers des échanges d’actes judiciaires et extra judiciaires, tant en matière civile, sociale, commerciale, que pénale et administrative, en direction des résidants de leurs territoires respectifs. Ces actes devant être transmis directement aux autorités du parquet de rattachement du destinataire de l’acte.

Tels accords n’excluent pas la possibilité pour les parties au contrat de faire remettre par leurs représentants ou les délégués de ceux-ci, les actes judiciaires et extra judiciaires destinés à leurs propres ressortissants. En cas de conflit sur la législation, la nationalité du destinataire de l’acte sera déterminée par la loi de l’Etat où la remise se fera.

– Sur le plan procédural

La Commission Rogatoire internationale (CRI) permet  par exemple à l’autorité judiciaire française de pouvoir procéder à des actes d’instruction au Cameroun. Exemple 1 est l’affaire de ma consœur Me Lydienne Eyoum : Dans cette affaire, une instruction a été lancée par le juge sabine kheres aux fins  d’examiner la plainte déposée par la défense de l’avocate pour détention arbitraire. Exemple 2 est l’affaire de l’ex Ministre Alain MEBE Ngo’o dans celle-ci, le Juge d’instruction du Tribunal Criminel Spécial (TCS) Jean Betea avait saisi son homologue français, à travers une commission rogatoire datée du 19 mai 2019, aux fins de procéder entre autres à la saisie des biens de l’ancien Mindef et certains de ses complices aujourd’hui détenus à la prison centrale de  Kondengui. Une expression de la parfaite collaboration qui existe entre les 2 pays en matière judiciaire. Pour votre gouverne le retour dans cette affaire est palpable, moins de 20 mois après. En effet, ce que les uns et les autres avaient perdu de vue et qui est aujourd’hui conforté par des sources concordantes du côté de Paris, c’est tout simplement que cette action entreprise par les autorités judiciaires françaises s’inscrivait en exécution des dispositions contenues dans la commission rogatoire internationale adressée par le juge d’instruction camerounais, en vertu de l’accord de coopération en matière de justice, signé le 21 février 1974 entre le Cameroun et la France, notamment en son chapitre II, relatif à la transmission et à l’exécution des commissions rogatoires. L’on peut aujourd’hui affirmer qu’avant de rendre publique son ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le Tcs, le 26 août 2020, celui qui a mené l’instruction dans le cadre de l’affaire Mebe Ngo’o n’a négligé aucun pan de la procédure. Et comment cela pouvait-il en être autrement ? N’oublions pas de citer l’affaire Simon AGNO LONGKANA alias Longuè Longuè qui après avoir été condamné en 2005 pour viol sur mineure de 17 ans a été incarcéré par la justice française et a bénéficié d’une libération conditionnelle avec expulsion vers le Cameroun en remportant son procès en appel en France  le 16/12/2014. Ce dernier avait toujours souhaité  son extradition vers le Cameroun durant  toutes ces années de prison. Cet acte par lequel un gouvernement livre à un autre Etat, qui la lui réclame, une personne ayant commis une infraction sur le territoire de cet autre Etat.

– Sur le plan des accords internationaux

Nous allons évoquer les cas suivants avec le Cameroun:

*Convention sur les Conflits de juridictions : (cass/cc/ 15 janvier 2020.

* Convention sur les conditions de l’exequatur (1ere civ, 22/06/2016, Pourvoi N° 15-18742, Bull,2016,l, N°140 Cass), (1ere civ.14/01/2009, pouvoir N°07-17194, Bull 2009, l, N°3 cassation). En ce que l’article 34 f) de l’accord de coopération en matière de justice du 21 février 1974 entre la France et le Cameroun a été violée. L’adoption de l’enfant camerounais dont l’état civil ne peut être établi avec exactitude heurte l’ordre public français mais le refus d’exequatur de la Cour d’Appel de Paris viole l’article suscité.

Il faut dire que l’exequatur est une notion propre au droit international qui désigne la décision rendue par un juge et permettant l’exécution sur le territoire de celui-ci de décisions de justice, sentences arbitrales, actes authentiques ou transactions judicaires prononcés ou rendus à l’étranger.

Concrètement, l’exequatur est la transposition d’une décision de justice étrangère en droit interne afin de pouvoir bénéficier des effets juridiques qui y sont attachés.

Seuls certains types de jugements sont exécutoires de plein droit à l’étranger et ne nécessitent pas de passer par la procédure d’exequatur.
Il en ira ainsi des jugements relatifs à l’Etat et à la capacité des personnes.

En effet, de manière générale, les décisions étrangères produisent automatiquement leurs effets en France sans qu’il soit nécessaire de passer par la procédure d’exequatur en matière :

– matrimoniale ou d’autorité parentale tels que les jugements de divorce, relatifs au droit de garde, au droit de visite ou de tutelle ;
– d’adoption entrant dans le champ d’application de la convention de La Haye sur la protection de l’enfant et la coopération en matière d’adoption internationale, du 29 mai 1993;

– de créances non contestées.

L’harmonisation des procédures judiciaires et de certaines sources de droit permettent de montrer le bon état de santé de la coopération judiciaire entre le Cameroun et la France.

La Coopération judiciaire peut s’entendre comme étant une coopération entre les organes judiciaires de pays différents, pouvant comprendre l’entraide, la connaissance et l’exécution des jugements. Il peut aussi s’agir d’entente pour une harmonisation voulue de procédures quand cela est possible.

Cette coopération existe déjà depuis les années 70. Elle s’est accentuée après les indépendances des années 1960. S’il est vrai qu’il faut magnifier la coopération juridique franco- camerounaise depuis les années 70(1)et après les indépendances jusqu’à date(2), il est aussi important de relever que toute œuvre humaine n’est pas parfaite, d’où cette coopération doit continuer de faire sa mue(3).

  • La Coopération judiciaire Franco-Camerounaise : Une Implantation depuis 1974.

Le 21/2/1974 les Etats camerounais et français ayant manifesté leur désir d’entretenir une coopération judiciaire, dans l’esprit d’une compréhension mutuelle et de confiance réciproque, cela se s’est traduit concrètement par la signature  des accords:( NB : on pouvait exploiter les documents pour illustrations. Mais hélas…..).

  • La Coopération au lendemain de l’indépendance du Cameroun jusqu’à date: Une coopération fructueuse dans la continuité.

* Sur le plan de la formation :

L’État français apporte son appui dans la formation des élèves magistrats, personnel magistrat et du personnel judiciaire en Général. À titre illustratif, les élèves de l’ENAM effectuent les stages en France. Le but étant : l’échange des connaissances, l’imprégnation du système judiciaire français, le renforcement des capacités…

* Sur le plan des instruments juridiques.

Il s’agit du droit positif et la jurisprudence.

-Le droit positif

Le Cameroun au même titre que la France, se caractérise par une harmonisation de certaines sources de droit. C’est le cas de l’excellent code civil applicable au Cameroun. Malgré quelques adaptations, l’esprit de la loi reste le même.

Le droit jurisprudentiel

La France a fait de la jurisprudence la règle dans la résolution du contentieux administratif. Elle est née de la célèbre affaire Blanco du conseil d’État français. Faits et contexte juridique très émouvant. En effet, une enfant avait été renversée et blessée par un wagonnet d’une manufacture de tabac, exploitée en régie par l’État. Le père avait saisi les tribunaux judiciaires pour faire déclarer l’État civilement responsable du dommage, sur le fondement des articles 1382 à 1384 du code civil. Le conflit fut élevé et le Tribunal des conflits attribua la compétence pour connaître du litige à la juridiction administrative.

L’arrêt Blanco est  rendu en France le 8 février 1873 par le Tribunal des conflits.

Parfois présenté comme le fondement du droit administratif français, il définit à la fois la compétence de la juridiction administrative et le contenu du droit administratif. L’arrêt reconnaît le service public comme le critère de la compétence de la juridiction administrative, affirme la spécificité des règles applicables aux services publics et établit un lien entre le fond du droit applicable et la compétence de la juridiction administrative. C’est ce que les juristes nomment le « principe de la liaison de la compétence et du fond ».

C’est la genèse même de la responsabilité administrative de l’État. Célèbre jurisprudence qui est enseignée en faculté de droit au Cameroun. De cette affaire, le Cameroun a organisé son contentieux administratif. D’où certains experts pensent que le Droit Administratif camerounais est d’inspiration française, moi je le pense également.

– Des décisions abondantes nées d’autres accords internationaux.

*Convention sur les conflits de juridictions : Exemple, cass/cc du 15/01/2020. En cas de conflit sur la législation, la nationalité du destinataire de l’acte sera déterminée par la loi de l’État où la remise se fera.

* Convention sur les conditions de l’exequatur. Exemple, 1ere Civ, 22/06/2006, pourvoi N° 15-18742, Bull,2016,l, N°140 Cass), (1ere civ.14/01/2009, pouvoir N°07-17194, Bull 2009, l, N°3 cassation). Conventions suscitées.

Tels accords n’excluent pas la possibilité pour les parties au contrat de faire remettre par leurs représentants ou les délégués de ceux-ci, les actes judiciaires et extra judiciaires destinés à leurs propres ressortissants.

2) Toutefois , une coopération judiciaire appelée a s’améliorer du fait de certaines contingences.

Le Cameroun en tant qu’État souverain et libre, permet à sa justice libre, de conduire en toute sérénité les procédures et selon ses règles, quelque soit la nationalité des mis en cause. C’est ainsi par exemple que jeune Afrique dans l’un de ses numéros, évoquait 53 commissions rogatoires internationales auxquelles les autorités judiciaires camerounaises n’avaient pas accordé suite.

Cette situation était interprétée comme le point mort de la coopération judiciaire entre les deux Etats. Que non,  les filiations inexactes indiquées par les juges français plombent la plupart des recherches, tenez des personnes à multiples identités seront difficilement filées, la non codification des rues au Cameroun en est une autre cause majeure.

Pour essayer parfois de détendre l’atmosphère, la présence du Chef de l’État français François Hollande au Cameroun était primordiale à un moment. Les coups de fil du Président  Emmanuel Macron également. Mais le Cameroun persiste à préserver son statut d’État souverain.

Un autre cas était l’affaire du coopérant français Éric Putter, mort assassiné en 2012 à Yaoundé. Malgré les actions de l’Élysée, l’enquête n’avait pas beaucoup évolué. Cet état de chose a fait dire à certains que le Ministère de la Justice au Cameroun était l’un des plus hermétique en Afrique. Que non, dans cette affaire, le Ministre de la Justice s’est activé, a même fait incarcéré un suspect guinéen, mais faute de témoins, ce dernier a bénéficié d’une liberté provisoire et l’affaire suit son court. Il convient de signaler ici que le secret canonique a rendu la tâche difficile. L’Epouse du Pasteur en partant du Cameroun sans laisser trace a compliqué davantage l’enquête.

Toute cette démonstration prouve que malgré cette coopération judiciaire fructueuse, l’État du Cameroun ne lésine pas sur son statut d’État souverain (qui ne reçoit d’ordre de personne pour prendre une décision ou se référer à un Etat tiers.)

En conclusion, la souveraineté des Etats doit toujours prévaloir dans les relations entre les Etats. Quelque soit la nature desdites relations. Le Cameroun et la France restant des partenaires traditionnels dans une coopération 50/50.

Pour conclure, je me permets d’affirmer sans risque de me tromper que la France demeure un partenaire historique privilégié. Malgré la diversification des partenaires internationaux favorisé par le Président Camerounais son Excellence Paul Biya cette dernière décennie, aucun pays étranger ne peut égaler la France en appui judiciaire au Cameroun.

Telle est l’économie de mes recherches, soumises à votre appréciation ce matin.

Par Dr Me Fostine Chébou Kamdem Fotso.

Avocate au Barreau du Cameroun

Tél : 00(237) 694996713/678396603

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