Journée Internationale des Musées : « le patrimoine séculaire d’aujourd’hui fut contemporain hier et celui dit contemporain aujourd’hui sera séculaire demain ». Flaubert TABOUE NOUAYE, Expert.

Le Musée Des Civilisations vibre au rythme de la Journée Internationale des Musées (JIM). Plusieurs activités sont au menu  de la célébration, dont une Conférence / Débat organisée le 18 Mai 2022 à Dschang. Ce cadre d’échanges est adressé à la jeunesse, principalement à la communauté estudiantine et scolaire. Pour une immersion au cœur de l’édition 2022 de la JIM, devinfo237.com a eu un entretien avec Flaubert TABOUE NOUAYE, Expert/ Professionnel de Patrimoine Culturel, Conservateur, conférencier  et  Directeur du Musée Des Civilisations (MDC).

Devinfo237.com : Monsieur le Directeur, la Journée Internationale des Musées est célébrée. L’Institution dont vous avez la charge en a d’ailleurs fait une activité majeure de son plan annuel. Quels sont les éléments qui ont concouru à l’institution de cette journée ?

Flaubert TABOUE NOUAYE : Bonjour, et merci à votre média qui a bien voulu s’intéresser à cet événement qu’est la JIM, Journée International des Musées.

La journée internationale des musées (JIM) est un événement organisé par le Conseil international des musées (ICOM), qui a lieu tous les ans autour du 18 mai. Mis sur pied depuis 1977, Chaque année, l’événement met en valeur un thème particulier, au cœur des préoccupations de la communauté muséale internationale.

La Journée internationale des musées offre aux professionnels des musées l’opportunité d’aller à la rencontre de leurs visiteurs et d’alerter les publics sur les défis auxquels les musées font face. En effet, comme l’indique l’ICOM dans sa définition des musées, « un musée est une institution permanente sans but lucratif au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation. » Par conséquent, la Journée internationale des musées œuvre pour sensibiliser le grand public sur les enjeux actuels des musées dans le développement de la société à l’échelle internationale. 

L’objectif de cet événement est clair : diffuser le message que les musées sont un moyen important d’échanges culturels et d’enrichissement des cultures, et d’encourager la compréhension mutuelle, la coopération et la paix entre les peuples. La Journée internationale des musées fédère de plus en plus des musées à travers le monde. En 2020, plus de 37 000 musées ont participé à l’événement dans près de 156 pays.

Raison pour laquelle, depuis 2011, l’ONG-Musée des Civilisations, a fait de cet événement un moment phare d’échange avec ses publics. Du moment où nous étions conscient en 2010, au moment de l’ouverture aux publics de cet important édifice culturel national sur les berges du lac municipal de Dschang, que nous nous positionnons dans un environnement national et même continental où la culture des musées, pour ne pas dire de la visite de telles structures culturelles n’était pas encore bien ancrée dans nos habitudes ou mœurs. Je veux dire que le caractère élitaire de cette pratique était hyper développé dans notre société. La JIM au-delà dont des motivations de son institution par l’ICOM, nous donne aux professionnels du patrimoine, conservateurs du patrimoine, muséologues et autres professions liées, des moyens supplémentaires de participer à l’atteinte de l’idéal de « démocratisation de la culture » et d’évaluation des actions déjà menées en synergie avec les bénéficiaires, c’est-à-dire nos publics.

Devinfo237.com : Y a- t – il une différence entre un musée et une case patrimoniale ? Pour la gouverne de nos lecteurs.

Flaubert TABOUE NOUAYE : Rire !!!

En effet, pas de différence, les cases patrimoniales sont des musées au même titre que tout autre institution muséale ; du moins pour ce qui est des objectifs qui sont ceux des musées et dont nous avons donné la définition prescrite par l’ICOM dans votre précédente question. Ceci dit, l’expression « case patrimoniale » est venue de nous au moment où nous étions en Charge du Développement Culturel du Programme Route des Chefferies (PRDC). Et la première implémentée dans cette démarche fut celle de Bandjoun, inaugurée en Novembre 2009 par Mme Ama Tutu Muna qui fut Ministre des Arts et de la Culture du Cameroun de 2007 à 2015. Précisément à l’occasion de la clôture du festival MsemTodjom 2009, (Festival culturel et biennal du peuple Bandjoun).

La motivation de cette appellation était simple, au moment où nous optons d’assurer le développement culturel du Programme Route Des Chefferies (PRDC), en février 2007, nous avions déjà dans le cadre de notre activité professionnelle, participé aux côté de l’équipe COE/IFA/Musées, sous la conduite du feu professeur Jean-Paul Notué et de l’architecte Italienne Bianca Triaca à la réalisation de quatre musées dans les grassfields du Cameroun (Babungo, Makon, Baham et Bandjoun). Ceci entre 2000 et 2004. (Premier programme atypique au Cameroun qui se pencha au développement de notre patrimoine via sa sauvegarde et sa promotion à travers la mise en place des musées au sein de nos chefferies traditionnelles). Travaux qui m’ont conduit à prendre la direction du Musée de Bandjoun.

Déjà à cette période, nous nous sommes rendu compte de ce qu’étaient vraiment nos chefferies traditionnelles, en sculptant l’histoire, l’implantation spatiale de celles-ci, leurs mythes, leurs légendes ; leurs réalités sociales, politiques, culturelles, leurs religiosités et les diverses mutations qui ont marqué l’institution muséale de par le monde et au fil des siècles.

Le constat poignant de ce qu’au-delà du faste, de l’apparat, et du culturel tout-azimut qui captivent le premier arrivant, nos chefferies traditionnelles dans leur ensemble, bien que ciment des pans majeurs de notre identité culturelle étaient des « scandales touristiques », « des musées à ciel ouvert ». Malheureusement très peu connu sous ce prisme là, pour des raisons, historiques, sociologiques, éducatives et même contemporaines multiples. Des raisons sur lesquelles nous pouvons y revenir à d’autres occasions.

Alors pour être précis sur cette appellation « case patrimoniale », La réalité issue de notre constat de jeune professionnel du patrimoine (à l’époque), s’enrichi au contact de l’EPA (l’Ecole du Patrimoine Africain) sis à Porto-Novo au Bénin, à la suite de l’incendie criminelle dont sera victime la Chefferie Supérieure de Bandjoun en janvier 2005. Alors, j’intègre ce réseau EPA, au moment où cette institution à sur sa table des réflexions qui portent sur des points tels que :

  • Comment faire afin que les musées africains survivent à leurs géniteurs ?
  • Quel musée pour l’Afrique ? Comment amener les musées africains à jouer véritablement leur rôle éducatif aux côtés des communautés éducatives ?
  • Comment intéresser les publics africains à leurs institutions muséales ?

Tellement de questions dont les diverses études vont conduire au projet MSD (Les Musées au service du Développement) que va piloter avec maestria cette institution culturelle atypique, qu’on ne présente plus au chevet du patrimoine africain.

Le projet « Reconstitution du patrimoine sinistré du Royaume de Bandjoun après l’incendie criminelle du 19 au 20 janvier 2005» que nous soumettons à l’EPA, après un rapport portant sur « L’Etat du patrimoine de la chefferie supérieure Bandjoun avant et après l’incendie » fut financé par l’Ecole du Patrimoine Africain (EPA) dans le cadre de ce programme MSD (Les musées au service du développement), à hauteur de 30 000 000 frs CFA.

Alors que son implémentation avait commencé, nous l’avions associé au Programme RDC, qui se positionnait comme un plan plus fédérateur sur le territoire de notre aire culturelle.

Ceci aussi parce qu’il nous donnait l’occasion de faire comprendre plus simplement le vocable « case patrimoniale » ; Du moment où  nous étions dans un environnement où il était plus facile de faire comprendre le musée comme espace de sauvegarde et de valorisation du patrimoine communautaire, au-delà du bâtiment où sont aménagé les regalias.

Bandjoun venant de rebâtir sa grande case NEMO, sinistrée. La dite grande case étant à elle seule une composante importante du « Musée à ciel ouvert » qu’est la chefferie, alors comment faire garder dans l’esprit de la communauté et des professionnels, que l’attention à porter aux deux entités doit être là même en matière de sauvegarde et de protection ?

Il fallait dont revenir à des appellations qui renvoient aux manières séculaires de nos ancêtres d’encadrer et de protéger notre patrimoine mobilier (la case patrimoniale). En somme une appellation « endogène » du musée, pourrions nous le dire. Ceci parce que les dites cases ont toujours existé dans nos chefferies depuis la nuit des temps, à la seule différence que son caractère ouvert aux publics (entendez, « Monsieur tout le monde »), n’était pas constant ; si non aux hôtes de marques du Roi. La chefferie étant le « Musée à ciel ouvert » qui est communicatif de tout temps au grand public. La case patrimoniale n’étant qu’une composante de ce tout, avec bien sûr ses spécificités, ses réalités et ses contraintes. Dont « …une institution permanente sans but lucratif au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation.»

Ceci dit, « Case patrimoniale », est issue de cette volonté de garder le caractère ingénieux et séculaire de notre manière endogène à préserver notre patrimoine, tout en relevant les acquis très peu connus du génie de nos populations qui ont su mettre sur pied ces espaces atypiques (entendez les espaces « capitales politiques et sociales » de nos communautés ; que nous reconnaissons au quotidien sous l’appellation chefferies supérieures » et qui sont et ont toujours été des « musées à ciel ouvert ». Ceci sans trahir la compréhension dite « universelle » des institutions muséales, tout en veillant à ce que les nôtres nous ressemblent, qu’ils nous parlent et qu’ils participent sainement à notre représentativité.

Devinfo237.com : « Le Pouvoir du Musée des Civilisations du Cameroun à Dschang sur les communautés scolaire et universitaire de sa ville durant ces dix dernières années. » Thème de l’édition 2022 de la JIM. Est ce un fil rouge interpellateur à l’adresse de la jeunesse scolaire et estudiantine, sur laquelle pèserait la responsabilité de promouvoir ce pan ou réceptacle par excellence de notre patrimoine culturel et traditionnel ?

Flaubert TABOUE NOUAYE : La JIM est comme je l’ai dis l’occasion pour les musées de communiqué sur leurs activités, de faire au besoin des bilans avec leurs publics, de montrer dans leurs environnement et au monde leurs challenges du quotidien, de présenter à leur milieu de vie les problèmes, les défis qui sont les leurs et au besoin les méthodes qu’ils mettent en synergie pour les résoudre. Ceci dans l’optique de mieux remplir leurs missions dans l’avenir vis à vis des dits publics.

Vous comprenez pourquoi l’ICOM à chaque édition doit trouver un thème générique, duquel chaque structure pourra faire des déclinaisons en fonction de ces priorités, préoccupations et bien d’autres.

Et comme vous le savez, les musées sont des temples certes de délectation mais surtout de la recherche et du savoir. A ce titre la jeunesse a toujours été de tout temps un public phare des institutions muséales, car comme on dit « point d’horizon pour tout ce que les hommes font sans une jeunesse avertie ».

Pour ce qui est de l’ONG-Musée des Civilisations (MDC), après presque 12 ans de chemin parcouru dans un environnement culturel où la culture des musées n’est pas encore bien ancrée dans nos habitudes. Les publics scolaires et estudiantins font partir de nos publics par excellence. L’année dernière, édition JIM 2021, il était question de « L’Avenir des musées : se rétablir et se réinventer », en y travaillant avec les acteurs culturels et nos partenaires, nous nous sommes rendu compte de la profondeur de notre bilan réalisé 10 ans après l’ouverture de notre structure aux publics. Nous avons constaté qu’il revenait au vu des challenges propres  à chaque structure, d’inventer des posologies qui correspondent à nos obligations singulières et qui scient à notre environnement.

2022, nous donne à travers sa thématique « Le Pouvoir des Musées », de voir avec nos publics que ce pouvoir est réel et qu’il a été toujours constant nonobstant les difficultés.

À l’occasion de la Journée Internationale des Musées 2022, qui aura lieu le 18 mai, la communauté muséale internationale à travers l’ICOM (Conseil International des Musées) a choisi pour cette édition 2022, « …d’explorer le potentiel des musées à apporter des changements positifs dans leurs communautés… »

Comme pour dire qu’il sera encore question des rôles prépondérants des musées dans le monde et surtout leurs impacts sur leurs environnements respectifs. D’où la thématique globale de cette édition 2022 : Le Pouvoir des Musées

Cette thématique, nous réconforte au Musée Des Civilisations dans notre posture qui est celle de voir tous les jours de manière concrète l’impact positif de notre structure culturelle sur le développement de notre pays.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, hier, nous avions pensé fermement que cet espace patrimonial, est « lumière de notre cité ». Espace d’où les rayons devraient illuminer toutes les énergies positives pour booster notre économie intellectuelle, culturelle, touristique et notre désire collectif de dialoguer afin que nos valeurs séculaires et civilisations soient un levier pour le développement de tous.

Des abords mis en orbite à cette édition JIM 2022, dans ce qui est convenu d’acter comme le pouvoir de transformer le monde qui nous entoure, le Musée Des Civilisations du Cameroun à Dschang (MDC) veut à travers une conférence /débat, sculpter avec ses publics, son impact sur les communautés éducatives, scolaires et universitaires de la cité Dschang depuis son ouverture aux publics le 20 novembre 2010 à nos jours.

A travers le Thème : « Le Pouvoir du Musée des Civilisations du Cameroun à Dschang sur les communautés scolaire et universitaire de sa ville durant ces dix dernières années » ,Une piste d’échanges et de partage déclinée de la thématique générique édictée par l’ICOM.

Aussi, nous y avons associé quelques acteurs, ceci pour donner une plus value au-delà des mots à cet impact du pouvoir qui est le notre sur nos publics identifiés et choisis à cette sortie.

Ses acteurs seront :

  • Le collectif d’artistes musiciens qui gravitent autour du concept « Podium pour l’acoustique », l’événement PED-Association patrimoine Echanges et Développement, produit par Alex Njambou qu’on ne présente plus.
  • Les membres de l’Association des professionnels de l’information Documentaire du Cameroun pour l’Afrique (APIDCA).

Pour les premiers, il sera question d’inaugurer avec eux la deuxième dorsale du concept Podium pour l’Acoustique. En ce sens qu’ils feront partir de la conférence au même titre que les conférenciers. Mais y participeront avec leur art. Tout en étant acteurs du débat, ils seront indifférents des discours et des échanges de question/réponses. Mais veilleront à ce que l’atmosphère soit douce, tempérée, réceptive, délectée. Une partie de l’échange, où tous les acteurs : panelistes et publics s’accordent et sont tous d’accord avant la conférence. C’est aussi ça le pouvoir des musées.

Quant aux seconds, ce sont des acteurs importants des musées, dont le rôle et la présence au sein de ces institutions culturelles sont très peu connu par les publics, singulièrement au Cameroun. Une situation regrettable dont les mobiles peuvent faire l’objet de multiples débats intéressants et passionnants.

Or, l’actualité autour du patrimoine et des musées africains. Entendons la question toujours en débat houleux de la restitution des biens culturels africains, nous interpelle sur la place des professionnels de la documentation, information et de l’archivage dans les multiples challenges de développement qui sont ceux de nos établissements culturels. Car le patrimoine séculaire d’aujourd’hui fut contemporain hier et celui dit contemporain aujourd’hui sera séculaire demain. Alors en sculptant le débat qui est fait aujourd’hui, sur la Recherche de provenances, les circulations, les spoliations, les trafics illicites des biens culturels et même les hypothèses de leurs, restitutions, on cerne encore plus l’importante place de l’information, de la documentation, et de l’archivage au sein des institutions muséales.

Raison pour laquelle avec cette association, au MDC, nous nous proposons de parcourir aussi cette importante mission. Pendant la troisième dorsale de la conférence du 18 mai. Ceci à travers l’interrogation de la place des professionnels de l’information, de la documentation et de l’archivage dans la valorisation de ce pouvoir qui est celui des musées sur leurs communautés et sur le monde.

Et nous clôturerons nos activités de la JIM 2022, le 25 MAI  par un atelier/ formation ; au profit des membres de l’Association des Professionnels de l’Information Documentaire du Cameroun pour l’Afrique (APIDCA).

 Car au-delà du vocabulaire commun qui est celui des acteurs de musées et de ceux de la documentation, nous pensons que le pouvoir qui et celui des musées sera encore plus fort au niveau du Cameroun si ces deux mondes professionnels, derrière leurs affinités lexicales, mettaient en valeur leurs missions communes de diffusion et de valorisation de l’information scientifique et technique.

Vous êtes tous conviés à la conférence/Débat du 18 Mai 2022 dès 15 H dans notre salle multifonctionnelle.

Comme toutes les années, le MDC place ses festivités de la JIM sous le haut patronage de Monsieur le Maire de notre ville culturelle, touristique et universitaire.

Merci à votre journal pour son intérêt au MDC et aux activités JIM 2022, je profite de cette opportunité pour convier tous vos milliers de lecteurs à cette conférence le mercredi 18 mai dès 15 h au Musée des Civilisations, sis aux berges du lac Municipal à Dschang.

Excellente Journée Internationale des Musées à nous.

Patrimonialement !

© Propos recueillis par Alexis YANGOUA

 

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