La Rive Gauche du Noun : La décision du gouverneur jugée unilatérale et irrecevable

La rencontre initiée par le gouverneur de la région de l’Ouest en vue de trouver une solution définitive au problème de la Rive Gauche du Noun(RGN), s’est tenue le 9 Septembre 2021 à la place du marché du village Momo Fongou. Une commission de redistribution des terres avait mise sur pied et devrait être effective le 21 Septembre 2021. La partie Bamiléké n’entend pas s’associer à cette opération.

Il avait été décidé à l’issue de ce qui aurait pu être organisé sous forme de palabre, que pour mettre un terme à ce conflit qui divise deux peuples de la rive gauche du Noun, les terres du village Momo Fongou, seront redistribuées. La part était définie, soit 1 hectare par producteur agricole.  Une idée du Sultan répercutée à l’occasion par le Dr Nji Ngoupayou Inoussa, le 1er adjoint du Fon des Bamouns, reprise aussitôt par le préfet du département du Noun, Donacien Um et entérinée séance tenante par Grégoire Ngatsing, le représentant du gouverneur de la région de l’Ouest. La démarche en elle – même portait déjà les difficultés de l’applicabilité d’une résolution dont l’élaboration semblait antérieure à cette rencontre de crise. Même si à l’entame des échanges, les riverains de la RGN s’étaient exprimés à travers leur porte parole, il faut relever que les autorités administratives auraient dû recueillir leurs avis sur les suggestions du Sultan; lesquelles suggestions auraient  pu constituer  une base de travail concerté  entre les parties belligérantes et non une clause immédiatement exécutoire. Comme dirait un observateur « on veut résoudre un problème créé par le colon avec des méthodes coloniales ».

La redistribution des terres ici ou ailleurs est la solution qui s’imposera aux questions liées à la gestion foncière au Cameroun. Mais, elle devrait être la résultante des états généraux. La rencontre du 9 Septembre 2021 à Momo Fongou aurait pu en être un ou le début d’une assise composée d’experts de divers domaines qui auront pour mission de démontrer la valabilité ou la nullité de la correspondance de l’administrateur Nicolas. Le contentieux de Fongou étant d’abord historique avant d’être foncier, il ne saurait être traité comme une simple affaire de partage de champ entre deux coépouses.

Quelques écrits et témoignages nous apprennent que les Bamilékés sont installés sur la Rive Gauche du Noun par le Roi Mbouombouo, 11ème de la dynastie Bamoun qui, satisfait de leurs contributions à la bataille victorieuse contre l’invasion Peulh, avait estimé que ses alliés pouvaient s’y installer pour servir aussi de cordon de protection de ce flanc du royaume, contre toute éventuelle attaque d’ennemi. Pour la construction du pont du Noun par l’administration coloniale, ce peuple venu de la Rive Droite du Noun et issu des différents villages de la région Bamiléké, va servir de main d’œuvre pour la réalisation de l’ouvrage. Le 17 Mars 1945, le Chef de subdivision Nicolas va formaliser et signer la paternité juridique de cette partie du royaume Bamoun au profit des résidents Bamilékés. Selon l’administrateur colonial, ce territoire ainsi remis aux Bamilékés aurait été acheté par la Société Prévoyance en 1930. Ce que la partie Bamoun n’approuve pas, exigeant un acte de vente qui lie le Sultan de l’époque et cette société française.

Au point de vue traditionnel, la Rive Gauche du Noun, localité de l’Arrondissement de Foumbot, dont la population est estimé à 15 000 âmes reparties sur 212Km2, appartient bel et bien au butin des conquêtes des monarques Bamouns. C’est ici le fondement de l’embarras du gouverneur Awa Fonka Augustine et ses hommes, au – là de l’influence qu’ils pourraient subir de la part de la personnalité du Sultan Bamoun. Tous les villages et mêmes certains quartiers des grassfields ayant été le fruit des batailles inter tribales avant d’être entérinés plus tard par l’administration. Sauf qu’en 1945, un acte administratif la attribuée au peuple voisin et résident, allié d’hier. Le Sultan Roi des Bamouns SM Ibrahim Mbombo Njoya à travers son 1er Adjoint défend l’intégrité du royaume chèrement acquis par ses devanciers, alors que la partie Bamiléké brandit la décision de Nicolas qui leur donnerait le droit de disposer aussi traditionnellement et coutumièrement ces terres. Est- ce qu’il sera possible de régler définitivement ce litige en faisant fi des recommandations de l’administrateur colonial, alors qu’ailleurs des actes similaires ont été pris en compte dans certaines répartitions territoriales ?

La Rive Gauche du Noun : Quand le flou profite aux loups sauvages et paresseux.

Depuis bientôt une vingtaine d’années, des exactions sont perpétrées sur la Rive Gauche du Noun par des Hommes bien connus du sultanat Bamoun. Quelques uns sont d’ailleurs identifiés comme étant les représentants du Sultan dans les différents villages de ce territoire. Des agriculteurs de Fongou, notamment, qualifés de rebelles sont pourchassés, les produits agricoles arrachés et des maisons détruites. Curieusement, ces soi disant califes du Fon des Bamom sur ces terres ne sortent généralement du bois qu’au moment de la moisson quand les autres ont fini de labourer, fertiliser, sarcler et attendent juste les récoltes. Des initiatives de brigandage, savamment tissées et dont le Sultan sert peut être inconsciemment de paravent. Au – là du litige dont les causes sont connues de tous, la loi devraient s’appliquer à ces forbans. Malheureusement, ces pauvres agriculteurs n’ont pas souvent assez de voix pour se faire entendre. Du côté des Bamoun, on crie aussi à l’agression parfois physique de l’envahisseur Bamiléké qui, a même eu l’audace de créer  des forêts sacrées sur les terres Bamouns, y applique ses rites calqués sur ceux de ses origines Bamiléké et de surcroit, veut s’affranchir de l’autorité du Sultan en faisant allégeance à la chefferie dont il est issu. A titre d’exemple, le chef de Momo Fongou, venu de Bafoussam est intronisé par le chef Bafoussam et siège à ses côtés comme notable. Toute chose que le gouverneur n’a pas approuvée et a intimé l’ordre aux 8 chefs des villages de la Rive Gauche de se soumettre à l’autorité du Sultan.

Un autre grief porté contre les chefs Bamilékés de la RGN, c’est bien le bradage des terres sans l’avis du Fon des Bamouns.  Dr Nji Ngoupayou Inoussa, 1er adjoint au Sultan estime à des centaines d’hectares vendus contre des centaines de millions francs cfa encaissés sans réel investissement à caractère communautaire sur les localité, ajoute – t- il. Ce que les accusés rejettent en bloc et estiment qu’ils ont la qualité juridique de disposer leurs terres.

La difficile équation de redistribution des terres sur la Rive Gauche du Noun

Entre temps, certains ont acquis des titres fonciers sur des espaces qu’ils estiment être leurs villages. Normal, ils y ont été nés, y ont grandi et leurs parents y sont aussi enterrés. A l’instar de Monsieur  TAMNOU Elie, titulaire du Titre Foncier N° 2122 du 02 Mai 2003 ; de Monsieur NKOUANKAM Pierre titulaire du titre foncier N° 789 du 2 Mars 1988 et de biens d’autres dont les demandes de titre foncier sont en cours. Notons que ceux – ci occupent déjà des hectares de terrain. D’un autre côté, le sultan aurait lui aussi attribué des donations à certaines personnes sur des dizaines d’hectares. De toute évidence, par ce que la démarche du 9 Septembre 2021 n’avait pas été concertée, la praticabilité  de la solution est coincée dès le premier jour de sa mise en œuvre. Y aura t – il effet rétroactif de la décision du gouverneur ? Si non, le Sultan devrait –  il  aussi commencer par annuler les donations qu’il aurait accordées sur des parcelles de plus d’un hectare. « Au  regard de cette situation, les populations de Momo Fongou réunit le 17/09/2021 à la cour de l’Ecole Publique  de Momo Fongou réfutent et rejettent  cette solution et portent  à votre haute bienveillante attention les fondements de ce rejet qui montreront certainement à suffisance la nullité de cette proposition qui aurait été entérinée par vos mandataires ».Extrait de la correspondance en date du 21 Septembre 2021, adressée aux autorités administratives par la partie Bamiléké, alors qu’elle était attendue sur le terrain pour l’opération de redistribution des terres. « la résolution proposée par le 1er Adjoint du Sultan Roi des Bamouns, à savoir la redistribution  des terrains de la  Rive Gauche du NOUN est réfutée  et rejetée avec la dernière énergie  par les  riverains; les villages de la Rive Gauche du NOUN ne sont pas  un don mais une propriété des Grassfields conformément aux multiples accords Sultanat-Grassfield arbitré par l’Administration coloniale à travers plusieurs actes administratives ; parmi ces riverains plusieurs sont  nés dans ces villages et leurs ancêtres enterrés ;plusieurs personnes ont acquis des titres fonciers sur leur parcelle » a indiqué la population de Momo Fongou, déterminée à défendre la « terre de leurs ancêtres ». D’autres actions de protestation sont d’ailleurs annoncées.

© Alexis YANGOUA

 

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