SDF : Le Social Democratic Front est plutôt à l’épreuve de sa mue.

Depuis le congrès national à Bamenda en 2018, le Social Democratic Front le SDF traîne avec lui une bataille interne. Le crash qui tient l’actualité depuis la nomination des membres du NEC et du Shadow, n’est en réalité que  la larve d’un volcan  longtemps en mouvement.

Autant le désir manifeste de voir le président Biya céder le pouvoir dans une logique apaisée, date de 2011, c’est approximativement à la même  période que la question de la succession du chairman à la tête du parti a commencé à germer dans les esprits. Mais, ces intentions parurent trop prématurées pour certains qui à cette époque, avaient constitué une muraille bétonnée autour de l’homme du 26 Mai 1990. D’ailleurs, ils usèrent de toutes leurs forces pour neutraliser ces « blasphémateurs »  qui portaient l’idée dite de réforme du parti. Sorte de crime de lèse – majesté. Bien sûr, leurs stratégies et approches n’étaient pas sans maladresses. Soit !

Ces anti réformistes y sont restés, jouissant des avantages liés à leur proximité avec le chairman, sans se soucier de la relève. Les mêmes sont candidats à tout et élus à tout. La puissance de l’argent et le « bras » du Président National sont mis à contribution pour étouffer tout bourgeon sorti des terres et dont la qualité serait de nature à perturber un ordre établi. Cette pratique fait partie  du jeu normal dans l’espace politique ; sauf que sur ce même terrain, ne poussent pas que des bourgeons paresseux et dociles. Il y en aura des plus rebelles qui iront jusqu’à détrôner ce père dont la seule ambition vise à faire des autres des éternels serviteurs ou  porteurs d’eau.

Mais, entre temps, la nécessité d’une relève urge. Une crise intergénérationnelle s’est renforcée. Le vide se crée entre les camarades des années 90 – 98 et ceux des 2000. La muraille conservatrice autour du chairman, lui aussi usé par le temps, a perdu le terrain au profit du RDPC et depuis 2012 en faveur du MRC. L’espace est pris d’assaut par une nouvelle génération majoritairement électrice, qui ne se voile plus le visage pour déclarer que les autres ont «  trop mangé » et qu’il était temps qu’ils se « positionnent » aussi. Ceux qu’on qualifie d’anciens ne lâchent pas du lest, animés par le syndrome des pères fondateurs et obnubilés par un contexte de bipolarisation de la scène politique dont ils se sont toujours servis : Quand ce n’était pas le RDPC, on voyait le SDF. Face à la mal gouvernance légendaire et l’arrogance du parti au pouvoir, le choix de certains électeurs était automatiquement orienté  vers le SDF et on est élu sans véritables efforts. Le scénario va se répéter suivant une trajectoire décroissante jusqu’au cataclysme d’octobre 2018 et de février 2020 avec sensiblement 3% à l’élection présidentielle et 5 députés aux législatives. La crise socio politique dite anglophone n’aura été qu’un coup de grâce. A qui la faute ?

Il sera difficile qu’il y ait 2 SDF sur la scène politique, même le G27 n’en veut pas. 

Le mouton noir qui tire la troupe vers l’abîme est vite trouvé après l’élection présidentielle d’Octobre 2018. C’est le candidat du parti à l’élection présidentielle, investi à la majorité écrasante à Bamenda : l’honorable Joshua Nambangi Osih. «Ceux qui lui imputent toute la responsabilité ont opéré un mauvais diagnostic » s’écria un observateur averti de la scène politique. Quatre mois après le scrutin présidentiel, Il sera élu député dans la circonscription du Wouri – Centre alors que certains « notables » du parti n’ont pas pu présenter des listes dans leurs circonscriptions. Comment imaginer que  l’image « sale » tant collée à l’honorable Osih a pu non seulement empêcher la constitution des listes des candidats dans la totalité des circonscriptions de l’Ouest, du Littoral, le Centre… mais a également pu contribuer à l’échec de la plupart des listes du SDF en lice, en épargnant celle du Wouri – Centre ? On peut en déduire que, soit le problème a été effectivement mal diagnostiqué, soit les torts sont réunis pour être posés sur un bouc émissaire qu’on portera à la potence comme agneau sacrificiel. Cette erreur d’appréciation des pourfendeurs est perçue par certains dont les jeunes, comme un acharnement ourdi contre le 1er Vice – Président du SDF, pour qui leurs soutiens paraissent plus croissants que par le passé.

Déclarations du G27

Bien qu’apparue en situation de crise, la demande de l’organisation d’un congrès extraordinaire par G27 est la preuve que certains militants et cadres de ce parti ont finalement compris que le problème du SDF n’est pas seulement Osih.  Ces 27 « dignitaires » réunis le 22 Juin 2022 à Mbouda vont jusqu’à exiger l’audit des comptes du parti. Cela suppose clarification sur la gestion des fonds du SDF depuis sa création ; celle de l’élection présidentielle de 2018 et des élections de 2020 tant réclamée au candidat à l’élection présidentielle de 2018, ne sera que la boucle finale. Comment ont-ils fait pour ne pas comprendre longtemps plus tôt qu’il fallait commencer par là au lieu de croire qu’un individu serait l’objet du cauchemar que vit le parti depuis plus d’une quinzaine d’années? Et dans la perspective d’un éventuel congrès extraordinaire ou d’un audit, certains militants de base ont commencé à rassembler des documents pour réclamer soit l’argent des cartes vendus dit- on l’argent détourné par certaines « crèmes» du parti,  soit les cautions des élections perçues et non reversées aux ayants droits. Certains membres du secrétariat national à la communication disent n’avoir pas toujours perçu ce qui a été souvent débloqué pour la tache … La coupe est pleine. Si la boîte de pandore est ouverte, certains plaignants pourraient se retrouver dans la posture d’accusés et vice – versa. Le G27 en est certainement conscient. D’ailleurs, en tant que vieux routinier et clé de voûte, le chairman Fru Ndi ne se le permettra pas. Il y aura un temps de clarification, peut être le congrès national électif annoncé en 2023. On passera certainement par pertes et profits dans l’optique d’une  réconciliation et d’une véritable refondation du parti. L’idée du SDF originel n’étant que du passéisme nostalgique inadapté aux réalités. Ce n’est pas justifier l’opacité dans la gestion des fonds que de dire qu’elle n’est  pas le propre du SDF.

Les divergences qui divisent et nourrissent le SDF sont apparemment idéologiques. Mais, derrière ces réclamations parsemées de quelques points pertinents, se cachent des affaires d’intérêts personnels, des rancœurs entre camarades et l’ergo. Car, on ne peut pas à la fois prôner la cooptation et l’ouverture du parti aux nouvelles ressources, et signer des pétitions pour les condamner, nonobstant le contexte. Certains partis politiques ont fait fi de telles dispositions bien consignées dans leurs statuts et règlements, pour coopter de nouveaux militants jusque dans leurs directoires, question de se procurer des intelligences. Des exemples sont légions. Et d’ailleurs, le shadow cabinet, le gouvernement dans l’ombre a besoin d’hommes et de femmes à même de déployer le programme politique du parti, quelles que soient leurs provenances ; contrairement au Comité Exécutif National (NEC) dont l’accession exige une enquête sur la trajectoire militante.

Imaginons la réaction de Paul Biya, le Président National du RDPC qui n’a pas fini de méditer sur le faux bond que lui a fait Jean Kuété, qu’on lui apporte l’information selon laquelle le Secrétaire Général du Comité Central a regroupé quelques cadres du parti, non loin de leur siège pour contester les décisions prises au cours de la réunion présidée par ses soins et à laquelle ils n’ont pas cru devoir prendre part. Ce parallèle pour soupçonner le caractère défiant de l’acte du G27 à l’égard de la haute hiérarchie, au sujet du NEC du 14 Mai 2022. Des attitudes qui exposent les auteurs à la colère du leader, quand on connait le poids des Présidents Nationaux des partis politiques. Il y a donc fort à parier que le chairman ne reviendra plus sur ses décisions. Le SDF a beau être démocratique, un espace où la parole s’exprime en toute liberté, mais quand le « chef » actionne les dispositions statutaires qui lui confèrent l’autorité, toutes les têtes se baissent. Les plus intelligents lui adressent leur mea culpa et rentrent dans les rangs, alors que les téméraires qui ont gardé la tête haute, signe d’affront, sont libres de leurs entreprises. Les partis politiques ne sont pas des associations du type ordinaire.

Tout compte fait, le SDF, l’UDC et quelques partis politiques nés dans la foulée du retour du multipartisme, sont gravés dans le subconscient des camerounais comme étant des antidotes au RDPC ; comme l’UPC fut à l’UNC. Le SDF garde toutes ses chances de survivre à cette vague bruyante. Cette métamorphose qui s’opère avec tumultes libérera à coup sûr des espaces à travers lesquels, se grefferont de nouvelles énergies propulsives. Tout sera aussi fonction du dynamisme de ceux qui tiennent le gouvernail.

L’année 2023 marquera le début des chamboulements politiques en vue de préparer les échéances de 2025.  Suite au décès du Dr Adamou Ndam Njoya, l’UDC a traversé une phase de crise avant de se stabiliser à la faveur de la convention nationale élective les 28 et 29 Octobre 2021. D’autres formations politiques subiront des secousses, avec des amplitudes variées selon le poids et les ambitions de chacune d’elles. Le RDPC prépare sa mue à son sommet. Il y aura des grincements de dents, des démissions et des adhésions aussi. Les malchanceux seront abandonnés sur les bas – cotés.

© Alexis YANGOUA

 

 

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