Au-delà des massacres, des blessés, des enlèvements et des dégâts matériels importants, enregistrés lors de l’attaque sécessionniste, au petit matin du 21 Novembre 2023 au marché de Bamenyam, la réaction tardive des Forces de Défense et de Sécurité continue de turlupiner les esprits.
9 morts avec possibilité que le nombre puisse croître selon un responsable rencontré sur le terrain, une centaine de motos emportées, 2 véhicules calcinés, 4 personnes enlevées avec demande de rançon, des boutiques et maisons incendiées. C’est le bilan non exhaustif d’une attaque perpétrée dans le village Bamenyam par une centaine d’individus armés, venus des localités de la région du Nord Ouest voisine. Pourtant, il y a longtemps, les habitants de Bamenyam n’avaient plus connu de tel ennui orchestré de l’autre coté de la frontière. Les exactions et enlèvements jadis répétitifs, avaient cessé. Ce village de l’arrondissement de Galim, département des Bamboutos, est limitrophe avec le Nord Ouest par ses villages Bamunkumbit, awin et Baligam avec lesquels, il partage des liens tangibles, notamment sur le plan commercial. En effet, Galim et son village Bamenyam, sont des marchés de ravitaillement pour ces localités du Nord Ouest.
De cette familiarité, s’était aisément tissée une collaboration entre les vaillants hommes et femmes des deux peuples, pour réduire les nuisances ‘’ambozoniennes» de part et d’autre de la frontière. C’est dans le cadre de cette cohabitation qu’aux environs de 16 heures du 20 Novembre 2023, les sentinnelles de Bamenyam sont informées de l’arrivée musclée des séparatistes sur leur territoire. Les membres de l’auto défense de Bamenyam et de Galim, assurent avoir transmis l’information en temps réel aux autorités compétentes des Bamboutos et de l’Ouest. Malheureusement sans suite, même lorsque ces forbans sont entrés dans le village et ont commencé à sévir. Il était environ 6 heures 30 mn et le marché grouillait déjà de son petit monde. Pendant près de deux heures d’opération, ils ont assouvi leur soif démoniaque et sont repartis en motos, dont celles arrachées aux jeunes.
Des détachements de la gendarmerie et de la police vont arriver 2 heures après que ces hors la loi soient partis. Le préfet des Bamboutos, David Dibango, le général de brigade Bouba DOBEKREO, le commandant de la région militaire inter armées No 5, le colonel commandant de la légion de gendarmerie de l’Ouest sont sur les lieux et vont d’ailleurs tenir une réunion de crise dans la case communautaire de la chefferie de Bamenyam. Curieusement, les représentants des Comités de vigilance n’y sont pas conviés, même pour une seconde de partage de ce qu’ils ont vécu. Une décision que ces derniers n’ont pas appréciée, s’estimant réduits par les autorités.
Passé les dégâts et assassinats perpétrés par cette horde, les camerounais et ceux de Bamenyam en particulier ne parviennent pas à comprendre la réaction tardive des autorités et des Forces de Défense et de Sécurité, généralement très promptes. Y a-t-il une crise de confiance entre les FDS et cette entité locale de surveillance ?
Réaction du Pr Alphonse Bernard Amougou Mbarga, Enseignant à l’Université de Douala.
« La question essentielle est celle de savoir si le comité de vigilance est une organisation paramilitaire disposant des moyens de riposte adéquats et d’un système d’alerte efficace et rapide. S’agit-il d’un mini-service de renseignements capable de transmettre les bonnes informations.
Le niveau de liaison entre l’alerte et l’intervention des FDS est généralement complexe. En effet, pour ne pas tomber dans la précipitation et des mouvements spontanés de sortie de casernes qui peuvent perturber les capacités de réaction, les FDS prennent parfois le temps de vérifier la source et le niveau de la menace. Entre temps le danger règne et le mal est déjà fait.
Il convient, par conséquent, de repenser le système d’alerte et le dispositif de la protection citoyenne et civile dans la mesure où les comités de vigilance ne sont pas des FDS. On pourrait envisager de mettre parmi les membres du comité, des militaires en civil issus du terroir qui peuvent efficacement identifier la menace, cela aurait pour but d’assurer la fiabilité de l’information reçue par les FDS. On peut également centraliser les alertes en ce sens que les informations répercutées aux FDS soient l’œuvre de quelques personnes que l’on peut facilement identifier par des codes ou par la voix.
Il faut éduquer les populations à donner des informations à chaque réalité suspecte. Évidemment, on peut aussi multiplier des patrouilles et des postes de contrôle. Les populations sont-elles prêtes à payer le prix de ce contrôle permanent ? Au final, ce serait l’objectif des terroristes pour donner l’idée d’une généralisation du conflit. Et il ne faut pas perdre de vue qu’il y a de plus en plus de bandits qui profitent de la situation pour faire des razzias sous le couvert des terroristes », explique l’enseignant de science politique
En attendant, l’arrondissement de Galim est fragilisé, aussi par des tumultes voulus, qui règnent à la chefferie Bagam. Le Premier Ministre devrait se saisir de ce dossier noyé dans des intérêts divers et variés, et inviter les parties prenantes pour une écoute plus sérieuse et peut être pour une solution définitive. Les torses bombés et les muscles de la brutalité légitime que certaines autorités locales brandissent, nous semblent peu efficaces pour une résolution garantie et durable à ce conflit. Malgré tout le brouhaha, les affaires courantes sont assurées par les notables. Avec cette confusion, Bagam devient un terreau fertile où les séparatistes pourraient en faire une base arrière, et rendre la tâche davantage difficile aux FDS. Le calme dans l’entièreté de Galim est un atout pour nos gendarmes dont la mission première est aux frontières avec le Nord Ouest.
© Alexis YANGOUA