Cameroun : Les importateurs sont devenus rois !

Par Louis-Marie Kakdeu

Certains membres du gouvernement camerounais donnaient ce 10 août 2022 une conférence de presse conjointe pour expliquer la stratégie adoptée contre la vie chère. En résumé, cette stratégie est un train de mesures qui ne profitent qu’aux importateurs au grand dam des producteurs locaux et des consommateurs nationaux. Il ne fallait même pas attendre de les suivre.

En 2021-2022, voici la liste des mesures prises qui sont notamment : des subventions du secteur pétrolier qui profitent aux marketers-traders, des exonérations de la TVA et de tous les droits et taxes douanières ou de l’ouverture régulière des quotas spéciaux à l’importation bénéficiant aux importateurs des produits de première nécessité comme le riz, le blé, l’huile de palme, le poisson, les matériaux de construction, etc. Ces dernières semaines, l’on a assisté à la suspension pour les mêmes bénéficiaires de la redevance de pesage, de l’acompte d’impôts sur le revenu, du paiement de la redevance de passage, du précompte sur ventes, des taxes de pesage et d’encombrement portuaires, etc. Aussi, l’on a eu droit à l’application excessive des taux réduits de droits de douane encore et toujours pour les importateurs. Pire, le gouvernement a même fait l’exemption de leur soumission au Programme d’Évaluation de la Conformité Avant Embarquement (PECAE), ce qui veut dire qu’ils ont maintenant LEGALEMENT la possibilité de faire entrer des produits non-contrôlés sur le territoire national. Je ne veux pas dire qu’ils sont tous véreux mais, je constate simplement que l’inquiétude est grandissante sur la qualité des produits importés retrouvés sur le marché camerounais. L’essentiel de ces produits est de qualité douteuse. L’argumentaire développé par le gouvernement est de dire que ces mesures bénéficiant aux importateurs permettent de compenser leurs manques à gagner afin qu’ils soient « gentils avec Nous », c’est-à-dire qu’ils n’augmentent pas les prix. Quelle caresse ! On dirait de vrais rois ! Nous observons même que ces gens font avec succès le chantage au gouvernement actuel, menaçant de stopper leurs activités afin d’affamer nos populations. C’est une prise en otage ! J’ai envie de dire Achoukakongoli à ce gouvernement qui a fait le choix de l’extraversion de l’économie. Mais, je pense aux pauvres populations innocentes et je décide d’agir !

 

Nous disons NON, NON et NON ! Si nous avions l’opportunité de prendre des décisions économiques et financières dans ce pays, nous ferions exactement le contraire de ce que fait ce gouvernement. Nous prendrions un train de mesures qui profitent à la production nationale et aux consommateurs. Il s’agit d’appliquer proprement la politique d’import-substitution qui suppose de léser les importateurs en augmentant les droits d’assise sur les produits importés en vue de favoriser la production nationale. Lorsqu’on scrute la loi des finances 2022, les mesures visant la promotion de l’agriculture sont encore et toujours des mesures qui favorisent l’extraversion de notre économie. Il s’agit des mesures qui ciblent la seule filière banane que l’on exporte entièrement et d’autres qui favorisent l’importation des serres et autres préfabriqués. Les préfabriqués comme ceux qui ont permis la construction du stade d’Olembé à Yaoundé supposent que la richesse a été créée ailleurs qu’au Cameroun. Nous aurions fait exactement le contraire. Nous aurions donné ces mêmes facilités non pas pour la banane ou les préfabriqués, mais pour la culture massive dans nos forêts, savanes et hautes terres du blé, du maïs, de la patate, du riz, du manioc, du sorgho, du soja, de l’arachide, du palmier à huile, etc., que l’on consomme au Cameroun. Ces produits constituent la base de notre alimentation et la matière première principale pour notre industrie agroalimentaire. Le lobby des importateurs nous fait croire que la culture au niveau local est bien mais, lointaine pourtant, il s’agit pour l’essentiel de ces spéculations d’un cycle court de 3 mois, c’est-à-dire le temps de la commande à l’étranger et de la livraison d’un produit importé au Cameroun. En soutenant ces filières locales, l’on impacte directement le panier de la ménagère sans avoir à supplier les rois importateurs d’être « gentils avec Nous ». Sur le plan politique, la production nationale est la voie royale pour la liberté et l’autonomie. Je voulais même dire pour la libération de notre peuple. Par exemple, comment allons-nous réussir une transition politique apaisée au Cameroun sans ingérence internationale si nous n’avons pas de réserve alimentaire ou la capacité de tenir plusieurs mois sous un éventuel embargo ? Vous comprenez que le Cameroun est mal parti à cause de ce gouvernement.

En l’état et contre 26 millions de Camerounais, ce gouvernement favorise 11 individus dans l’importation du blé, 7 individus dans l’importation du riz, 1 individu dans l’importation du poisson, etc. C’est un crime économique et un crime politique. C’est une vraie mafia sous le dos du contribuable. C’est même irresponsable !

Le modèle social-démocrate que nous défendons dit Oui à l’entrepreneuriat mais Non à la prédation ou au capitalisme à outrance. Il dit Oui au libre-échange mais, Non au mercantilisme (échange à sens unique) que nous observons de nos jours. Il faut promouvoir l’entrepreneuriat en pensant à nos populations. La finalité de l’État ne peut pas être de générer du profit pour quelques individus ; elle doit être de soulager nos populations de la misère ambiante. Ce gouvernement se bat pour des intérêts particuliers là où un gouvernement normal doit se battre pour des intérêts collectifs. C’est une obligation de justice sociale et d’équité au niveau national. Et c’est pour cela que nous nous battons : « Equalopportunities for all Cameroonians ! »

 

Louis-Marie Kakdeu

Membre du Shadow Cabinet SDF

Economie, Finances & Commerce

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