Double tragédie de Buea : L’Analyse du Dr Me Fotso Fostine « les émotions ont très souvent pris l’ascendant sur la raison »

Je ne voudrais pas revenir sur les événements de jeudi dernier à Buea pour les commenter. Beaucoup a été dit, avec des arguments contestables, dérapant par moments dans tous les sens. Avec des commentaires incriminant tantôt  la maman de la petite victime, tantôt l’auteur, allant même une fois jusqu’à en faire précipitamment un héros (pour ne pas avoir tiré sur la foule pour se défendre).

On comprend que les émotions ont très souvent pris l’ascendant sur la raison.

Quand un drame survient, l’on doit prendre calmement le recul nécessaire, tirer les leçons pour l’avenir, pour que cela ne se reproduise, et surtout laisser la justice régalienne faire son travail.

C’est à cela que je vais m’essayer à présent, en listant ce qui a conduit à l’irréparable, et qui aurait pu être corrigé.

Sans juger, le mal étant déjà fait, voici à mon avis ces erreurs et dérapages. En effet, le  jeudi 14 octobre 2021, le Cameroun a connu une tragédie avec le double décès d’un élément des FODS et d’une gamine âgée de 4 ans, dans la ville de Buea. Quel est le contexte? Tout serait parti d’une interpellation d’un véhicule dans un » check point »( contrôle des FMO) au cours de laquelle le refus d’obtempérer de l’usage de la route aurait amené l’élément de la sécurité à dégainer son arme sur le dit véhicule dans le but de le stopper dans sa course. Malheureusement, dans le dit véhicule se trouvait aussi à bord une enfant de 4 ans qui sera mortellement atteint  par balles sur la tête. C’est ainsi que la population en furie va se ruer sur le  » pauvre » agent afin d’en découdre avec lui. Il va aussi rendre l’âme. Nous adressons d’abord nos condoléances aux familles attristées en particulier et à la famille des forces de défense et de sécurité.

Toutefois, cette triste et sombre  page  de Buea nous amène à nous arrêter un tout petit peu pour nous poser les questions:

– les Régions du NOSO étant des régions en crise sécuritaire du fait des actes des séparatistes, quel comportement devrions adopter les usagers  de la route devant l’interpellation des FMO?

– Que dire de l’acte du gendarme ?

– Qu’en est- il de la vindicte populaire ?

1)  Pour ce qui est du comportement ou de l’attitude à adopter dans le NOSO pour ce qui des usagers.

Comme nous le savons tous, les FMO font face à un affrontement asymétrique dans le NOSO. C’est à dire l’ennemi n’est pas à découvert pour affronter nos éléments. Cet ennemi est dans la population .ce qui rend la tâche difficile aux FMO. D’où les checkpoints pour identifier les usagers afin de pouvoir minimiser les dégâts (les kidnappings, le trafic d’armes à feu, les bombes…). Vu donc ce contexte, les usagers devraient coopérer avec les FMO pour permettre à ce qu’ils  puissent bénéficier de leur protection. C’est à dire tout simplement que lorsque l’on vous interpelle, il faut obtempérer. Je pense que si la personne au volant avait tout simplement obtempéré à l’interpellation de l’agent des FMO, tout ce serait sûrement bien passé, et on n’allait pas avoir le décès de ces  » enfants » du pays. Il en est de même pour tout les camerounais. Le respect de l’interpellation des FMO lorsqu’ils sont en plein service.

2) Pour ce qui est du maréchal de logis (gendarme) Mvogo  décédé, il est important de relever qu’en tant que   mère d’enfant, la douleur à sa raison d’être, vu l’âge de la décédée (4 ans). Maintenant quand j’arbore ma toge d’avocat, on peut trouver au maréchal de logis les circonstances atténuantes et parler d’un homicide involontaire. Je ne pense pas que l’intention était de donner la mort mais de mobiliser le véhicule. L’enfant s’est trouvé « au mauvais endroit au mauvais moment ». Je pense qu’après cet acte, il a eu un remord, un regret interne. La preuve c’est malgré l’arme (AK-47) qu’il tenait en mains il n’a pas réagi  à quelques poignets de personnes qui se sont ruées sur lui pour faire ce qu’on appelle en droit : » la légitime défense » voyant la mort venir. Il a préféré mourir en martyr avec ce moyen de défense qu’il tenait entre ses mains. Nous pensions aussi qu’en évitant de faire encore des centaines de morts, ce soldat est aussi remercier là où son corps se trouve ce jour.

* L’Indiscipline à l’origine de cette bavure.

1- Il paraît que la patrouille des gens en armes ne se serait pas retrouvée au bon poste d’affectation, celui indiqué par leur supérieur hiérarchique, lieu où s’opèrent régulièrement des enlèvements de civils. La patrouille aurait décidé de son propre chef d’aller sur une voie plus fréquentée, à une heure de pointe, pour interpeler des suspects.

Etait-ce vraiment le moment idéal pour violer une consigne ?

2/ Les vitres teintées.

Celles de la voiture incriminée étaient vraisemblablement teintées.

Il me souvient que pareille option avait été interdite par la loi. Qui plus est, en zone sensible comme le Sud-ouest, où il convient de montrer patte blanche pour des raisons évidentes. Equivoque fatal dans ces conditions. Il y eût eu  de fortes chances que le drame fût évité si les vitres de la voiture ciblée fussent transparentes.

3/Absence de plaque minéralogique.

Aux dires des journaux, la voiture en question n’en avait pas. Peut-être le malheureux gendarme n’aurait pas cherché à la stopper, si elle en arborait une. Deux vies auraient peut-être été ainsi épargnées. Autre leçon à tirer de cette dramatique affaire.

4/ Refus d’obtempérer.

On est souvent pressé dans nos activités quotidiennes pour mille raisons. Il est certainement arrivé à certains d’entre nous de pousser un soupir de dépit, devant une interpellation  des forces de maintien de l’ordre, qui  tombe  fort mal à propos, alors qu’on court par exemple à un rendez-vous urgent.

Pourtant, bonne raison il faut se faire, obtempérer et s’expliquer, au besoin une minute, voire plus, avec l’agent du service d’ordre. Quitte à risquer une fourrière, pourquoi pas ? Le pire est souvent plus proche qu’on ne l’imagine. Contre mauvaise fortune, il faut savoir faire bon cœur. On ne sait jamais l’état d’esprit de quelqu’un qui détient une arme (humeur, nervosité, susceptibilité…).

5/La notion du service public.

La fuite de la conductrice, tout comme la chasse qui lui a été donnée sont absurdes, tellement il n’y avait nullement péril en la demeure.

En effet, quand une maman accompagne son enfant à l’école le matin, quel danger potentiel représente t-elle réellement ? Est-il nécessaire de la prendre en filature dans une rue bondée, en  abandonnant son poste de travail, au grand risque peut-être d’occasionner un accident de la circulation qui exposerait les autres usagers de la route ? Surtout que la conductrice passe et repasse presque tous les jours par le même check point ? Y avait-il un soupçon raisonnable ou avéré de trafic quelconque, de terrorisme…? Qu’aurait perdu la société si la conductrice n’était pas contrôlée ? Les deux protagonistes auraient tout aussi bien pu s’expliquer au retour de l’école de Caroline. Les forces de l’ordre sont là pour faciliter la vie des citoyens, et son membre incriminé aurait  rendu  service à autrui, pour ne pas dire public, en laissant partir la conductrice, quitte à différer leurs explications comme elle aurait demandé.

6/Un geste regrettable, lourd de conséquences.

Une question se pose, ou plutôt deux. Primo, quand un militaire doit-il dégainer son arme ? Secundo, quand doit-il ou peut-il faire feu ?

Une chose est constante, on fait feu quand la cible (menaçante de surcroît) est formellement identifiée. A moins qu’il ne s’agisse d’un tir de semonce (donc en l’air, de préférence). Il n’y avait assurément pas péril, donc pas de légitime défense, du tout.

7) Pour ce qui est de la vindicte populaire trivialement appelé : » justice populaire ».

On ne le dira jamais assez, la justice ne se donne pas dans la rue, ni par un quidam. Nous sommes en République, régie par des lois, et la justice est une institution encadrée, codifiée. Le citoyen lambda n’est pas habilité à l’administrer, au gré de ses humeurs et émotions, la foule encore moins. La justice de la rue prend de l’ampleur d’années en années, et se termine généralement par la mort d’hommes, et, plus regrettable, parfois celle d’innocents. Cela est inadmissible, surtout en ce siècle où la peine de mort est de plus en plus  abandonnée par la quasi totalité des états.

Il est plus que jamais temps que notre  gouvernement sévisse avec la dernière énergie envers les fauteurs identifiés de tels troubles, je veux dire de drames inhumains. Et il n’y a pas de circonstances atténuantes qui tiennent en pareilles circonstances. Que chacun s’en persuade. Ces genres de comportement doivent cesser sans préavis.

Sans être exhaustifs, voilà à mon sens, tels sont les attitudes et comportements qui ont contribué à faire le lit des drames de Buea. Sans chercher à tous prix à accuser ou à juger quiconque (le problème n’est pas là, d’ailleurs à quoi cela servirait-il à présent), nous devons en revanche  tous  prendre conscience, afin que cela ne se reproduise : « Plus jamais ça ». Cette pratique qui fait Son nid  dans nos métropoles est à dénoncer avec la dernière énergie. Le Cameroun est un état organisé avec les institutions qui doivent jouer leurs rôles. Seule l’institution judiciaire doit rétribuer à chacun ce qui lui revient en cas d’infraction. Même l’administration est là pour prendre des sanctions administratives

Aucun individu tel qu’il soit ne doit donner la mort de son semblable.

Lorsque la population à travers les gourdins, les pierres et autres se ruent vers leur semblable, quel est l’intention finale, si ce n’est donné la mort ? Il aura été bon de mettre le gendarme en question entre les mains des autorités compétentes. C’est d’ailleurs ce que demande la loi par exemple en matière de flagrant délit. La vindicte populaire n’a donc pas sa place dans les Etats démocratiques. Cette pratique conduit même à des règlements de compte.

Donc la population camerounaise en général doit apprendre à de référer aux autorités compétences en cas d’infraction flagrance.

Paix aux âmes des deux victimes, et bon courage aux deux familles si durement éprouvées.

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