La problématique sur les difficultés des personnes déplacées internes (PDIs) du Nord Ouest et Sud Ouest, installées dans la région de l’ouest ne fait plus grand bruit. Une ambiance qui laisse croire que le minimum de leurs doléances d’alors, a été adressé. Que non.
Partis de leurs terres sur la pointe des pieds, l’âme meurtrie de douleur du fait des leurs fauchés par une guerre asymétrique, les déplacés internes des régions du Nord Ouest et du Sud Ouest savaient que leurs milieux d’adoption, quels qu’ils soient ne seront pas une terre promise ; sauf qu’ils étaient loin d’imaginer que le chemin de leur intégration était jonché d’autant d’écueils. 7 ans après le déclenchement de cette crise sociopolitique, quelques uns ont pu certes s’établir dans leurs communautés d’accueil, mais une bonne frange des déplacés internes relevant de la classe de démunis, ne parvient pas non seulement à avoir accès au minimum de services de base, mais également, éprouve un sentiment de rejet.
« Promouvoir les droits des personnes déplacées internes dans la région de l’Ouest du Cameroun », c’est le fil rouge d’une initiative entreprise par la Fondation Internationale pour la Paix, les Droits Humains et le Développement (FIPADHD), avec le soutien de National Endowment For Democracy, en vue d’accompagner et faciliter l’intégration des PDIs des régions du Nord – Ouest et du Sud – Ouest, dans les communautés d’accueil de l’Ouest. Dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet, la chefferie du quartier Djemoun dans la commune de Bafoussam 1ère, a abrité le 18 Août 2023, une rencontre d’échanges sur les difficultés qui entravent l’épanouissement des déplacés internes dans certaines localités de la région. « Cette rencontre visait à réunir les personnes déplacées internes afin de les enrôler sur les listes électorales et puis, il y’a une assistance psychosociale qui a été faite par notre collègue William FOKOU, il était également question de sensibiliser les personnes déplacées internes afin qu’ils puissent prendre connaissance du projet que nous sommes en train de mettre sur pied avec nos partenaires. Il est question de réaliser un film documentaire sur la situation des personnes déplacées internes dans la région de l’Ouest Cameroun. Ce film devra servir de complément pour notre plaidoyer et pour inciter le gouvernement à améliorer les conditions de vie des personnes déplacées internes dans la région de l’Ouest Cameroun » indique Arnaud DZOKOU TENE, chargé des programmes et coordonnateur des projets FIPADHD.
Dans la région de l’Ouest, l’un des grands bassins qui abritent des centaines de milliers de déplacés internes du NOSO, la stigmatisation reste l’un des griefs régulièrement relevés par ces derniers. « J’ai perdu mon mari et ma mère dans cette crise là. Quand je suis arrivée ici à Bafoussam, j’ai été bien reçue par mon bailleur. Mais, quand je suis allée chercher les enfants, la chambre était petite pour nous et j’ai trouvé une maison un peu grande. Mon problème ici, ce sont les injures, toujours « les Bamenda là… ». Quel que soit ce que vous voulez faire. A Bamenda, je faisais bien mon petit commerce. Quand tu veux faire quelque chose ici , on dit ‘’vous les Bamenda là… ‘’. Ça nous traumatise. Je n’ai plus d’acte de naissance et de carte nationale d’identité. Tout a été perdu dans cette guerre. Un autre problème, c’est le loyer, les bailleurs exigent parfois 10 mois d’avance. Il faut que le gouvernement fasse quelque chose pour nous », témoigne Rebecca Mbong, une déplacée interne venue de Ndop.
Dans le domaine de la santé. Par ce que livrés à la débrouillardise ou au désœuvrement, ils doivent recourir aux plantes médicinales pour se soigner, faute de moyens financiers. Les yeux larmoyants, Nguou Akashiwo Riaratou peint la situation « Notre problème majeur aussi c’est la santé. Quand on est malade et on part dans un centre de santé, on n’est pas capable d’avoir même un peu pour commencer le traitement. Nous sommes obligés de rentrer chercher les herbes pour s’en sortir avec. S’il y avait même un petit travail pour nous anglophones déplacés, on pouvait avoir de moyens pour payer les frais de santé ».
« Ici à Bafoussam, pour que l’enfant aille à l’école, c’est difficile ». Martèle Akiy Céline qui se souvient d’une expérience douloureuse qu’elle a vécue au début de l’année scolaire dernière. « A Bamenda, quand tu veux envoyer l’enfant à l’école, on ne demande pas le banc. Il suffit seulement que l’enfant passe son concours et au FLSC, il est inscrit sans problème. Mais ici à Bafoussam, c’est difficile pour nous. Mon fils a été admis au concours d’entrée en 6ème au lycée de Ngouache et FSLC. Mais, il avait l’envie de faire la technique. Je suis allée au lycée technique de Banego, on m’a exigé le banc et 125 000 Fcfa. Moi, j’ai 4 enfants et un dont père avait été tué. Je n’avais pas d’argent et il est resté au Lycée de Ngouache. Mais il n’était pas content ». Pourtant, les autorités administratives de l’Ouest n’ont de cesse de rappeler que les déplacés internes jouissent des avantages dans l’opération des inscriptions dans les Lycées et collèges de la région. On peut dès lors, interroger le mécanisme de suivi des ces instructions dit – on ministérielles.
Les difficultés soulevées sont nombreuses. Jean Pierre GOMPE, le représentant du chef de quartier DJEMOUN a essayé tant bien que mal d’apporter des suggestions de solution à quelques unes. Mais, c’est l’Etat qui tient les clés « L’Etat devrait trouver un cadre bien approprié pour eux avant de penser à leur insertion. Ils sont abandonnés à eux – mêmes malgré le fait qu’ils se battent de tous les côtés. Les locations, nutritions et autres besoins élémentaires ne sont pas à leur portée. On peut par exemple aménager les logements sociaux pour réduire la demende », a – t il conclu.
© Alexis YANGOUA