Depuis la matinée du 12 Juillet 2023, la toile est saturée par la copie d’une correspondance qui serait initiée par le sénateur Laurent Nkodo à l’adresse du président du sénat. L’ancien Vice Président du Sénat et Président de la commission des finances de la mandature en cours, sollicitait ainsi de l’honorable Marcel Niat Njifenji, le paiement de ses arriérés et quelques missions devant lui permettre de couvrir certaines de ses charges devenues importantes du fait de ses promotions. Si le style et les motivations de ce courrier ont levé le voile sur la moralité de l’auteur, ils ont également exposé le type de gouvernance qui est pratiquée au sein du parlement camerounais en général.
D’abord une « requête » auprès du président du Sénat, l’honorable Marcel Niat Njifenji. Elle porte deux visas d’arrivée en dates du 16 Mai et 06 Juin 2023. Aucun visa départ dudit courrier. Ensuite, Une reconnaissance à l’endroit du patron de la chambre haute pour avoir répondu favorablement à l’une des sollicitations mentionnées dans la requête sus évoquée. Cette dernière porte elle aussi un visa départ du 21 Juin et un second attestant l’arrivée le 7 Juin 2023. Toutes ces correspondances sont attribuées au sénateur Laurent Nkodo qui avait été investi au poste de Vice Président du sénat juste pour achever la dernière année de la mandature 2018 – 2023, entamée par son camarade Sylvestre Naah Ondoa rappelé à Dieu.
Suite à la flopée de commentaires suscités par ces correspondances d’une teneur on ne peut plus légère, aucune réaction ni du sénat encore moins du parlementaire incriminé et fils du département de Mefou et Akono, n’a été produite. On serait ainsi tenté de se soumettre à la véracité de l’expression selon laquelle « Qui ne dit mot consent ».
Au – delà du contenu flatteur et du style avilissant de ces lettres qui d’une part ternissent l’image d’une grande institution et d’autre part froissent la sensibilité des spécialistes de la rédaction administrative, ces courriers dont le haut fonctionnaire l’honorable Laurent Nkodo serait l’auteur, font ressurgir le débat sur l’opportunité du sénat institué par la constitution du 18 Janvier 1996, révision de celle du 02 Juin 1972.
A quoi sert le Sénat ? Le PCRN, le SDF, l’UDC, l’UMS, bref la plupart des partis politiques bien que présents dans les institutions, reconnaitront que la chambre haute du parlement dans son fonctionnement depuis son effectivité en 2013, ne contribue en rien à la vivacité du parlement. D’ailleurs, aux dires de quelques acteurs de la tripartite de 1991, cadre générateur de cette constitution révisée, le sénat ne figurait pas dans leurs résolutions, soit !
Le sénat « légifère et contrôle l’action gouvernementale », dispose l’article 2 à son alinéa 14, alors que l’article 20 fait de lui le représentant des Collectivités Territoriales Décentralisées. Mais alors, comment représente t il les communes et les régions ? Aucune précision sur le contenu de ce pouvoir de représentation. Et là, nos sénateurs de la première, la seconde et même ceux de la troisième cuvée en cours, sont dans la vadrouille et ne savent réellement en quoi et face à quoi ou à qui ils sont défenseurs des CTDs. De guerre lasse, l’honorable sénateur le Pr Anaclet Fomethe reconnaissait ce vide embarrassant au cours d’une rencontre organisée en 2022 à Bafoussam par un Réseau des parlementaires dont il était membre.
Entre temps, dans une navette parlementaire où les députés restent maîtres du jeu, le sénat camerounais n’a jamais osé relever la moindre insuffisance que contiendrait un projet de lois soumis à son examen ; même lorsque la minorité issue de l’opposition qui s’y trouve, a interpelé le bon sens de la majorité RDPC. Les hommes et femmes du Président National Paul Biya sont soumis à la rudesse de la discipline du parti. Et justement, cette discipline du parti a fini par émasculer les élus dont certains sont pourtant d’une intelligence irréprochable. L’Honorable Laurent Nkodo, ancien Directeur des impôts dont la qualité intellectuelle est souvent racontée en serait une parfaite illustration, si l’authenticité de ces correspondances venaient à être confirmée.
Pourquoi ces documents sensés administratifs sont ils exposés au public ? Quel type de rapport lie le sénateur Nkodo à certains agents administratifs de l’institution ? Est-ce la conséquence d’un conflit politique intra parti ou l’alerte du rouleau compresseur du régime ? Pourquoi pas un discrédit contre un sénat inactif et sa présidence, afin de les adapter aux enjeux qui se susurrent ? Autant de questions dont les réponses permettront à coup sûr de comprendre cette couardise.
Un sénat improductif, mais budgétivore.
On se souvient qu’à sa mise en place en 2013, un budget d’à peu près 14 milliards F CFA avait été affecté pour son fonctionnement. Mais, quelques mois après, un additif est sollicité auprès du Président de la République pour ravitailler une trésorerie déjà au régime sec. La consommation financière de cette institution « inutile » peut être estimée en 11 ans d’existence à plus de 200 milliards F CA ; de quoi épurer la dette des enseignants qui au moment des tumultes, s’élevait à 121 milliards F CFA selon le Ministre des fiances et 181 milliards FCFA de l’avis du Ministre des Enseignements Secondaires. Que dire des 27 000 employés des hôpitaux publics qui depuis 2015 attendent leurs contractualisations en vain.
Eu égard à l’actualité et aux autres faits précédents, on se demande pourquoi dans ce pays le Cameroun, des centaines de milliards de FCFA sont laissés au gré des ordonnateurs ivres du lait et du miel. Des grands Rois très amoureux du griotisme et de la laudation que doivent leur chanter les parlementaires. Ainsi, pour avoir du foin dans leurs bottes, les élus doivent réjouir le cœur du « très très très HONORABLE, le Père » en jouant parfois le fourbe. Ainsi va le RENOUVEAU avec sa rigueur moralisatrice.
© Alexis YANGOUA