DEPENALISATION de l’ homosexualité : Point de vue du Dr Me Fotso Fostine

En droit, homosexualité est une orientation sexuelle caractérisée par une attirance sexuelle ou par des sentiments amoureux envers une personne de même sexe. Cette pratique qui fait son lit dans nos sociétés ne fait malheureusement pas l’unanimité.

D’aucuns pensent que c’est l’acceptation de la différence, comme semble confirmer ces propos d’une première dame africaine : « nos différences sont notre richesse. Être tolérant c’est accepter de vivre ensemble malgré nos différences ».

D’autres par contre affirment que c’est contraire aux US et COUTUMES de l’Afrique et donc contre nature.

Mais il convient de relever que ce n’est pas le monde occidental qui nous a imposé l’homosexualité, elle est présente depuis bien plus longtemps en société. Les sociologues, anthropologues et autres sciences humaines de ce groupe peuvent confirmer cette thèse.

Je connais des homosexuels qui n’ont jamais quitté leur village ni vu de blancs.

La question qu’on doit se poser est de savoir si on est en droit de penser à l’opportunité de dépénaliser l’homosexualité dans un Etat comme le Cameroun?

Dans notre pays, le principe jusqu’à date c’est la répression (I). Toutefois les ouvertures pour la dépénalisation du délit de l’homosexualité  sont envisageables(II). Mais est-ce que la prison peut changer l’orientation sexuelle d’un individu? (III).

  1. L’Homosexualité : une pratique encore réprimée au Cameroun.

Le Cameroun depuis 1972 réprime fermement l’homosexualité. Par ailleurs, l’article 347-1 du code pénal actuel condamne de: » 6 mois à 5 ans d’emprisonnement, d’une amende de 20.000 à 200.000 toute personne qui a des rapports sexuels avec une personne de son sexe ».

Nous avons souvenance du jugement rendu par le juge du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo dans l’affaire du célèbre homosexuel Sieur Njeukam Loïc alias » Shakiro » et Mouthe Laurent alias » Patricia ». Ceux-ci ont été condamnés à 5 ans de prison ferme et une amende solidaire de 200.000fcfa.

Dans l’affaire  » Shakiro » par exemple, Me Alice NKOM son Conseil, avait porté un regret sur la décision du juge en la qualifiant de contraire au droit fondamental humain en droit international.

Avocate-Pénaliste, j’ai eu de la peine pour ces enfants, nos enfants car en tant que mère je suis amenée à me poser la question de savoir : « Et si ces enfants étaient les miens, les vôtres » ?

A mon humble avis, je trouve la sanction excessive à l’encontre de ces transgenres pour un pays qui a ratifié mine de rien des conventions supra relatives aux droits de l’homme.

Il faut noter pour le déplorer que les magistrats sont sévères sur le sujet alors que l’esprit de la loi ne condamne pas l’homosexualité en tant que telle, mais son exposition au public, cela veut dire que si l’on se cache dans une chambre pour le faire, l’acte est toléré. Pour vivre heureux, vivons donc cachés comme indique un adage populaire ?  Et la liberté de se mouvoir s’envole du coup.

L’homosexualité est un délit réprimandée au Cameroun, d’où la nécessité d’envisager une dépénalisation car le Cameroun fait partie du concert des nations, de par sa place, il peut donc être amené à infléchir sur le cas.

  1. II) La dépénalisation de l’homosexualité au Cameroun : un grand bon vers un avenir radieux dans le respect des droits fondamentaux humains.

Le Cameroun acteur du Droit International ne vit pas en autarcie.

C’est dans ce sens qu’il a ratifié de nombreux textes qui concourent à la protection des droits de l’homme. Mais certains observateurs (politiques, société civile, juristes…) pensent que notre pays se caractérise par la violation du principe de la primauté des normes internationales sur celles internes : c’est la protection internationale de l’homme.

La dépénalisation de l’homosexualité au Cameroun peut donc servir à rétablir un droit humain fondamental (Droit à la vie privée, droit de disposer de son corps…)pour les citoyens:

Celui d’aimer librement sans être condamné, celui de naitre femme dans un homme et de s’opérer pour guérir psychologiquement. 

La République défend donc le respect de la vie privée de chacun et reste une et indivisible au-delà des sentiments. Oui à la dignité et non à la haine. Le Président de la République Paul BIYA a d’ailleurs tranché en déclarant que « les comportements sexuels relèvent de la sphère du privé ».

En Afrique Centrale, un pays comme le Gabon voisin a dépénalisé l’homosexualité depuis 2020. La loi réprimait avant d’une peine maximum de 6 mois et une amende de 5.000.000(7.600€). N’oublierons non plus la déclaration du Chef de l’État Paul Biya qui disait: » maintenant ce que je peux dire…les esprits peuvent évoluer dans un sens ou dans un autre… ». Il est clairement établi ici que le chef de l’État n’excluait pas l’évolution des choses dans la dépénalisation de l’homosexualité. Un passage par l’abrogation de l’art 347 du code pénal.

Quoique réprimée par la loi camerounaise, l’homosexualité mérite de s’y attarder pour sa dépénalisation pour le bonheur des uns en ce qui concerne un droit fondamental international de la liberté de la vie privée, la liberté de disposer de son corps. Ce qui fera aussi du Cameroun un pays du vivre ensemble dans la diversité sentimentale, culturelle, ethnique….

L’homosexualité n’est pas dépénalisée au Cameroun, mais si c’était votre enfant qui tombait sous le coup de cette loi désuète, pourriez-vous lui jeter la première pierre?

Tenez, je vous raconterai l’histoire d’une pharmacienne ayant pignon sur rue à Douala, qui fit un arrêt cardiaque après avoir découvert l’homosexualité de son fils sur les réseaux sociaux.  Elle qui s’est sacrifiée en payant les études de son fils aux USA. Cette dernière n’a pas supporté  voir ce dernier se vanter d’être homosexuel et présenter son compagnon sur face book. La santé de cette grande dame s’est considérablement dégradée.

Je demeure convaincue que le choc mental de cette pharmacienne est dû au fait que l’homosexualité est un délit répréhensible au Cameroun. Elle fut probablement torturée par l’idée de voir son fils arrêté lorsqu’il foulera à nouveau le sol de son pays. Ceci est un exemple parmi tant d’autres sur les dommages collatéraux que peuvent causer la loi actuelle au sein de plusieurs familles camerounaises.

Après le départ de Peter Henry Barlerin, en juillet 2020, un nouvel Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique au Cameroun vient d’être nommé. Le Président Joe Biden a choisi Christopher John Lamora, qui était jusque-là chargé des Affaires à l’Ambassade américaine au Ghana. En guise d’introduction de son speech lors de son audition devant le Sénat américain le 9 juin 2021, S.E Christopher J. Lamora a tenu à remercier le Président Joe Biden qui l’a désigné, ainsi que les membres de sa famille, notamment son mari, un certain Éric pour son accompagnement. Monsieur l’Ambassadeur des USA, a été accrédité auprès de notre pays. Quel est donc le problème? Pendant que des pseudo mouvement s’agitent pour demander au Chef de l’Etat Paul BIYA de refuser d’accueillir l’américain, notre leader le Président  Paul BIYA, sage et très pondéré n’a jamais posé un tel acte en 36 ans de présidence.

Les LGBTQ (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transgenres et Queers) vivent en silence dans plusieurs familles camerounaises, ce sont parfois vos frères/sœurs, enfants, conjoints, parents et même grands-parents.

Nous devrions aborder ce sujet avec beaucoup de recul et de discernement, mettre de côté l’hypocrisie et faire preuve de pragmatisme.

Dans la conclusion de son rapport sur la gestion des 180 milliards de Fcfa dont était doté le fonds spécial de solidarité nationale, la chambre des comptes de la cour suprême a relevé trente fautes de gestion et recommandé l’ouverture de dix procédures concernant des faits susceptibles de constituer des infractions à la loi pénale.

Comment expliquer une condamnation ultra sévère pour le jeune « Shakiro »,5 ans de prison pour je cite «tentative d’homosexualité» et «outrage public aux mœurs » d’un côté, alors que les hauteurs des malversations financières du Covid Gate sont encore en liberté ? Quand on sait que plusieurs patients sont morts des suites d’un manque d’oxygène (bien souvent des pères\mères de famille, laissant leurs nourrissons orphelins), et que les personnels soignants ont souvent manqué d’équipements de protection individuelle, ne devrions-nous pas revoir notre sens des priorités s’agissant de la justice dans notre pays ?

S’il est des sujets qui passionnent les débats, surtout en ce moment au Cameroun, celui des LGBTQ en fait partie. Entrent également dans la danse les us et coutumes, qui enfoncent davantage le clou. Pourtant, il faudrait au préalable dépassionner le débat pour y voir clair. Les aspects humains et juridiques sont également à considérer, si on veut objectivement en débattre.

Là, c’est un préalable important.

Il faut le dire, la loi, c’est la loi. Mais la justice a beau être aveugle, les raisons et les motivations de l’inculpé amènent à mettre de l’eau dans le moulin, et tenir compte des circonstances atténuantes.

C’est dire que l’aspect humain doit être envisagé dans tout jugement.

Pour en revenir à notre sujet, la raison, le bon sens et la sagesse commande de ne pas jeter des pierres sur les LGBTQ. C’est leur  choix libre qui mérite respect.

La nature peut être souvent injuste. Si certaines personnes naissent déjà prédisposées, on doit convenir que d’autres peuvent venir au monde dans un corps sexuellement inadapté. Par exemple, une fille avec une anatomie de garçon. Elle se sent intrinsèquement femme, avec une sensibilité, un comportement, des tics typiquement féminins. On peut y imaginer le mal être, la frustration qu’une telle personne peut endurer.

Comment ne pas compatir, et comprendre sa volonté de changement de sexe, comme une chirurgie juste de réparation légitime. Et la circonstance atténuante bénéficierait à ces LG qui acceptent le martyr d’une opération pour retrouver l’accord et la sérénité en eux, et devenir Transgenres.

Il s’agit de ceux qui choisissent leur orientation sexuelle, non plus par nécessité profondes et humaine, mais par curiosité, fluidité, plaisir, caprice où d’autres raisons non avouables, ou la volonté de faire « différemment ». La société doit ici pouvoir accepter les différences. Et, toutes proportions bien gardées, comme un voleur, ils doivent se faire très discrets tout simplement en attendant  que la dépénalisation souhaitée soit effective car la loi est dure. Comme il n’existe pas de société parfaite, la tolérance devrait être la règle car certains se prostituent pour s’enrichir, ces derniers l’ont choisi pour nécessité de survie. Prenons le cas des jeunes filles du NOSO qui dans le besoin de survie s’abandonnent à tout pour nourrir parfois des tout petits. Les circonstances atténuantes doivent s’élargir à ces cas normalement.

La loi n’étant pas encore abrogée, n’ayons pas l’outrecuidance ou l’outrance d’afficher ou de revendiquer des comportements contraires à cette loi désuète.

  • La prison peut-elle changer l’orientation sexuel d’un incarcéré ?

Le désir sexuel est permanent malgré les contraintes privatives de la prison, les personnes incarcérées cherchent donc à s’adapter pour compenser l’absence de sexualité. Sous l’impact de l’âge et de la durée d’incarcération, ce processus d’adaptation se spécifie en trois styles de conceptions privilégiant tantôt un positionnement plus rigide, tantôt plus édulcoré ou encore un positionnement plus tolérant à l’égard des valeurs et des pratiques en lien avec la sexualité incarcérée. La pratique de relations sexuelles entre détenus est susceptible de prendre diverses formes : une sexualité consentie, des pratiques homosexuelles de circonstance prisées puisque les hommes ne sont pas mélangés aux femmes. Dans une institution binaire où coexistent d’une part, la norme hétérosexuelle et d’autre part, « l’interdit », l’homosexualité carcérale doit se comprendre dans le cadre d’un rapport de domination où le rôle d’actif y est particulièrement valorisé et où, inversement, le rôle du passif, le pénétré, se trouve dans une position de soumission. Le risque que ce statut de soumis achemine le détenu vers une stigmatisation dont il est impossible de sortir devient alors beaucoup plus important qu’ailleurs.

En prison d’hommes en particulier, violence et sexualité entre détenus sont fortement corrélées. Les violences sexuelles poussent en effet l’ego masculin à s’exprimer dans sa noirceur la plus profonde sur la scène carcérale et cela, en réaction au contrôle totalisant auquel chaque détenu est soumis. D’une part, il s’agit de s’affirmer en rapport au pouvoir coercitif de l’institution carcérale et d’autre part, de s’imposer en tant qu’homme méritant sa place au sein de la population détenue. Dans leur étude sur la sexualité et les violences dans les prisons françaises, Welzer-Lang et al. (1996) découvrent la présence d’une hiérarchie de pouvoir informelle et officieuse au sein de la population carcérale. Aux grands hommes se voient attribuées des qualités de virilité et de pouvoir leur accordant une certaine légitimité pour entrer facilement dans un jeu de privilèges en détention. Les sous-hommes sont, quant à eux, situés au bas de l’échelle et exclus de la normalité carcérale. On y retrouve les détenus délinquants sexuels, encore appelés les pointeurs qui font alors l’objet d’insultes, de violences psychiques, physiques et sexuelles.

Pour conclure, il ne sert à rien de jeter lesbiennes, gays, bisexuelles ou transgenres en prison, cela ne changera rien à leur orientation sexuelle, au contraire.

En définitive, dans notre Etat moderne, je plaide pour la dépénalisation de l’homosexualité et autres choix sexuels eu égard au développement ci-dessus. Je prie les lecteurs de bien vouloir considérer mon point de vue comme une expression de la liberté de penser et il n’en sera que justice. 

Dr Me Fotso Fostine 

 Avocate au Barreau du Cameroun 

 Docteur en Droit Pénal

 

 

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