En plus d’être venu à la vie suite à un viol qu’aurait subi sa génitrice, ce jeune camerounais, du fait de ses orientations sexuelles, ne sait plus à quel saint se vouer. Vomis par sa famille et traqué par la police, il est devenu un apatride.
Agé aujourd’hui de 32 ans, l’histoire vécu et racontée par ce jeune camerounais, est de celle qui suscite un intérêt particulier. Le ciel serait-il tombé sur la tête ? Quel pêché aurait-il commis, lui qui n’avait pas demandé à naitre suite au viol dont sa propre mère, n’étant âgée que de 16 ans (à peine sortie de la puberté) aurait été victime ? On pourrait s’interroger sur toutes les formes à l’écoute et à l’analyse de la situation que traverse ce jeune homme.
N’ayant pas eu le courage d’interrompre sa grossesse pour ne pas dire se faire avorter, et devenue malgré elle fille-mère,celle que nous appellerons X pour des besoins de sa sécurité, n’avait d’autres solutions que d’élever malgré tout son fils, sous le toit de ses parents. Au fil des ans, et à l’interprétation des regards et autres commentaires tendancieux déversés contre sa mère, Trésor Njoya Issa qui commençait alors à faire ses premiers pas d’adolescent était sous l’emprise de frustrations perpétuelles. Un tumulte qui l’amenait à beaucoup « réfléchir ». Ayant finalement opté à épargner sa mère, le Trésor de X, la puberté à peine traversée, enfant apparemment plus réfléchi que son âge,se résolu à aller vivre dans la rue.
Tournant décisif
De cette autre école de la vie, Trésor Njoya Issa, pour s’adapter à son nouveau monde, a été amené à faire diverses rencontres nocturnes. C’est ainsi qu’au détour d’un chemin, il connut un certain Thierry, un peu plus aguerri et qui, selon ses propres termes, lui « a donné goût à la vie ». Pour tout dire, une autre orientation, une autre vision du sexe. Certainement conscient du fait que l’homosexualité était considérée comme un acte répréhensible par la loi camerounaise, Trésor et Thierry ne pouvaient que vivre leur amour en cachette jusqu’au jour où un gardien de nuit en faction dans leur secteur, le découvrira et trahira le secret. « Mes problèmes ont commencé dès cet instant ».
Le salut dans la fuite
Marginalisés par la société, Thierry n’auraitpas supporté toutes ces railleriesdont il faisait l’objet. Il se serait alors suicidé. Dès cet instant, une véritable chasse à l’homme s’engagea contre Trésor Njoya Issa. D’un côté, la police, de l’autre, la famille de Thierry et même sa propre famille. Dans sa quête de survie, Trésor Njoya rencontra alors une bienfaitrice qui se proposa de le faire sortir du pays. Il se retrouvera ainsi en Allemagne en 2010. Plus d’une décennie après (13 ans pour être exact), et sans aucune pression, Njoya décida de revenir dans son pays. Croyait-il trouver que son problème avait été enterré ? Et quand bien même dans certaines tribunes, on continue de parler de tolérance, de vivre-ensemble, il se trouve qu’en ce qui est de l’homosexualité, la société camerounaise s’est davantage radicalisée. Si les institutions sont encore plus déterminées à en découdre avec des homosexuels, même les familles dans lesquels les penchants de cette pratique sont supposés trouver tout au moins un asile, ne sont pas en reste. La véhémence est encore plus affichée pour le cas de la famille de Thierry. Car ici, on est convaincu que Trésor serait à l’origine de ce malheur qui l’a frappé. Il a même échappé à un lynchage savamment orchestrée par celle-ci. Au sein de sa propre famille, l’horreur, le déshonneur, sont même doubles : enfant né d’un viol et homosexuel, c’en était trop. Pour survivre, Trésor Njoya Issa a dû vivre comme une sorte d’ermite. A l’heure qu’il est, personne ne semble connaitre où il se trouve.
Si pour le cas d’espèce, la famille de Thierry peut penser avoir de bonnes raisons, ce n’est pas à elle de chercher à se faire justice. De l’autre côté, comment expliquer qu’en ce siècle, on continue à avoir à juger des personnes du fait de leur orientation sexuelle alors même que dans le même temps, on parle de liberté ? Paradoxe qui constitue une question de conscience à laquelle chacun devrait pouvoir répondre.
© Marius Onana