Mis en congé technique, renvoyés de leurs entreprises du fait de la pandémie de coronavirus, ils ont trouvé refuge sur les Monts Bamboutos.
Que l’on soit sur le versant à Bamelo et Zavion dans la commune de Babadjou, à Nzindong dans la commune de Batcham ou sur les flancs de Balatchi dans la commune de Mbouda, on est subjugué par un paysage pittoresque meublé d’une part d’élévations sous forme de vagues disposées en escalier et d’autre part des falaises escarpées. Sur ces pentes parfois abruptes jusqu’à leur sommet, des vastes champs de pommes de terre alors que sur l’espace qui s’étend depuis leur pied, on peut admirer avec quelques soucis la culture maraîchère qui y est intensément pratiquée. Amertume, par ce qu’on reste tout de même pantois devant l’étendue de raphiales qui ont cédé place à la culture du chou et autres feuilles vertes. Toutes ces parcelles exploitées sont traversées par des tuyaux d’irrigation qui se ravitaillent à partir des points de captage.
Si l’agriculture pratiquée sur les monts Bamboutos est d’un apport indéniable à l’économie, elle n’est pas sans conséquence sur la quantité de l’eau potable attendue en aval par les populations et surtout sur la nappe phréatique « Nous savons tous que l’eau c’est la vie. Nous vivons à Babadjou. En saison sèche, nous n’avons pas d’eau. Le problème qui se pose pour ce bassin est qu’il y a des populations qui s’y sont installés et font de l’agriculture. Ils détournent cette eau dans les zones de captage pour arroser leurs plantations et il est difficile de les faire partir delà. Les cultures se font là – bas avec des engrais et des produits chimiques. Ces produits entrent dans le sol et polluent l’eau. Ce qui fait que le peu d’eau que nous recevons ici, est une eau pas de bonne qualité et un peu un poison » explique Gisèle Nsangue, maire de la commune de Babadjou. Notons que dans cette collectivité décentralisée, le taux d’accès à l’eau potable est de 24%, selon une étude menée dans le cadre du projet de l’Initiative de Dialogue Multi-Acteurs pour la Gouvernance de l’eau dans la Région de l’Ouest « IDIMAG-OUEST.
Peu bavard, plutôt appliqué à la tâche, l’un des maraîchers rencontrés dans la plaine de Bamelo, avoue sans hésitation « le nombre d’exploitants agricoles a accru depuis quelques mois. C’était d’abord les déplacés des régions du Sud Ouest et du Nord Ouest, on en dénombre à ce jour qui viennent des villes de Douala et de Yaoundé ». Ils ajoutent « Ce sont les enfants du village. C’est à cause du coronavirus qu’ils sont rentrés dans l’agriculture». Retour au marché kombou, village de Babadjou limitrophe de Santa dans le Nord Ouest, cet espace de vente et d’embarquement de vivres frais pour les métropoles et les pays frontaliers. Nous rencontrons Jean, un jeune âgé de 35 ans. Il a renoué avec l’activité qu’il a pratiquée avant de se faire recruter dans une entreprise basée à Douala. Mis en congé technique à cause de la pandémie de coronavirus, il s’est résolu à retourner au village pour ne pas sombrer dans le désœuvrement de la ville. «Je n’ai pas eu de difficultés pour m’adapter, c’est mon ancien boulot» dit- il sourire aux lèvres.
Selon Gisèle Nsangue, édile de Babadjou par ailleurs ingénieur général des eaux, forêts et chasses, ils sont nombreux ces jeunes qui sont venus s’ajouter à ceux qui y exercent depuis de lustres et dont les activités étaient déjà très dommageables pour l’écosystème des monts Bamboutos, considéré comme le château d’eau non seulement du département éponyme, mais également de certaines localités du Nord Ouest et du Sud Ouest dans lesquelles s’étend ce massif volcanique. D’ailleurs plusieurs projets et initiatives ont été développés en vue de restaurer le couvert végétal détruit par les pratiques agricoles.
Malheureusement, les pesanteurs multiples les ont chaque fois obstrués, les intérêts personnels étant plus importants que le bien que ce mont pourrait procurer aux populations riveraines. Avec l’arrivée massive de nouveaux exploitants agricoles du fait de la Covid – 19, le couvert végétal des monts Bamboutos coure vers une détérioration entière. Situation bien inquiétante, relève Madame le maire Gisèle Nsangue «La commune à cette obligation de sauver ce bassin versant. La solution que nous proposons c’est de délocaliser les gens qui sont là bas. Les pouvoirs publics peuvent déclarer comme zone d’utilité publique les abords de ces zones de captage. Pour faire partir les gens de là, il faudra bien qu’ils aient des solutions d’alternative. Pour avoir ces solutions, nous allons nous retourner non seulement vers l’administration mais également vers nos grandes élites qui sont dans les villes. Ils pourront venir ici créer des entreprises ou même délocaliser certaines de leurs entreprises pour qu’il ait de la main d’œuvre, pour que les enfants puissent travailler et quitter les versants du mont ». La réhabilitation et la restauration du couvert des monts Bamboutos doivent préoccuper les pouvoirs publics. Les effets de la COVID – 19 y sévissent.
© Alexis YANGOUA