Ouest/ La surabondance de la Tomate et la nostalgie de la Société de Conserverie Alimentaire du Noun(SCAN).

Les producteurs de tomates de l’Ouest et de Foumbot endurent en scrutant avec anxiété la crise qui se profile à l’horizon. Le prix du cageot varie entre 800 F et 2000 f cfa.

Selon la Coopérative des Producteurs vivriers et Pérennes du Noun (COOPROVINOUN), la commune de Foumbot a elle seule produit en moyenne 300 tonnes de tomates par jour. On comprend aisément la surabondance de ce fruit avec le déclenchement de la pandémie de coronavirus, perçue comme un bouchon sur le circuit de sa commercialisation. Les tomates produites à Foumbot sont vendues dans les pays limitrophes du Cameroun. La fermeture des frontières en application des mesures barrières contre la Covid – 19, a concentré toute la production sur le territoire national créant ainsi un déséquilibre largement favorable à la demande immédiate, asphyxiant en revanche le secteur. Habituellement le prix du cageot varie entre 4000 et 6000f cfa.  Si à 800 ou 2000 f cfa, les consommateurs directs se frottent les mains, il faut relever que les producteurs sont dans un désarroi total. Leurs chiffres d’affaires  prennent chaque jour un coup fatal  avec des conséquences majeures en perspective. « En principe, certains doivent un peu laisser les joutes politiques pour prendre le pouls des conséquences de la Covid – 19. Je parie que 2021 va voir les microfinances entrer en crise, voir les producteurs aux abois et la vie chère nous secouer, c’est ce qui se dessine à l’horizon. Déjà, l’appauvrissement des producteurs va impacter la rentrée scolaire 2021 – 2022 si rien n’est fait » relève Louis Serges Roger Fankam Djoumessi. Après la crise sanitaire, Il faudra s’attendre à une hausse vertigineuse des prix de tomates dans l’optique de rattraper le cap.

L’ingénieur agro économiste et délégué régional du MINEPAT pour l’Ouest propose quelques mesures urgentes « La solution a court terme est celle d’apprendre aux producteurs, les techniques massives de conservation, l’ENSIAC de Ngaoundéré et l’IRAD doivent fournir les techniques de conservation existantes pour parer au plus pressé c’est à dire sauver la récolte de 2020. Puis songer à équiper les localités d’unités de transformation aux dimensions réalistes de la production, la transformation étant un pilier du Plan d’Industrialisation. Un autre travail si on a un peu de temps, c’est connaitre le nombre de tomates dans le cageot, poids d’une tomate, ces informations seront très utiles pour développer une réponse a court moyen et long terme ».

Louis Roger Serges Fankam Djoumessi, Ingenieur Agro économiste

Enterrée sous Esther Belibi Dang, la relance de la SCAN se veut impérative

A la création entre 1986 – 1987, c’était la Conserverie Alimentaire du Noun (CAN). Un projet de la Coopérative des Producteurs Vivriers et pérennes du Noun (COOPROVINOUN). Elle devient la Société de Conserverie Alimentaire du Noun S.A en 1988 avec l’entrée de la Société Nationale des Investissements (SNI), qui porte le capital de 900 millions F cfa soit 51% pour la COOPROVINOUN et 49% pour la SNI. La SCAN compte alors 756 membres y compris la SNI et 9 membres pour le  Conseil d’Administration. La société dispose d’une capacité de production de 400 tonnes de tomates fraiches/ Jour et 100 tonnes de tomates concentrées/Jour. Tout allé bien, ses produits exportés et les producteurs y trouvaient une réelle motivation. Le flou commence avec l’arrivée de Madame Esther Belibi Dang à la tête de la Société Nationale des Investissements. La SCAN se mue subtilement en propriété de la SNI avec des bureaux ouverts dans son siège à Yaoundé. Selon les actionnaires, la DG de la SNI va s’arroger le pouvoir de valider une série de missions aux coûts exorbitants aux frais de la jeune entreprise et ses collaborateurs se transformèrent en véritables sangsues. Les cris et plaintes des 8 autres membres du conseil d’administration sont étouffés par la machine de la mal gouvernance. La SCAN commence à patiner pour piquer du nez en 1999. Les membres sont aux abois et un comité de pilotage est mis sur pied pour faire la lumière sur cette faillite subite. La machine  politico administrative se met en branle et obstrue son fonctionnement. Près de 10ans après la fermeture de la fierté de Foumbot, la SNI brandit une dette de 10 milliards f ca  qu’elle aurait contacté pour la relance d’une entreprise chaque jour engloutie par la broussaille. «  La dette de 10 milliard Fcfa a été évaluée par la SNI. On ne comprend pas comment on peut fermer une société et entre la fermeture jusqu’à nos jours, on a concocté les dettes ? Dans quelle comptabilité ? C’est surprenant. La SNI s’est enroulée dans un drap vraiment sale par ce qu’elle  a pris le linceul pour se confectionner un costume. La SNI a géré unilatéralement cette structure de 1995 à 1999 et l’a fermée pas par ce qu’il y avait panne. La chaîne est là. Avec la commission interministérielle et le gouverneur de la région de l’ouest le constat avait été fait qu’il y a 500 fûts de tomates concentrées bloqués à la SCAN et tout est gâté. Imaginez le tonnage  et les pertes financières. Notons que la SNI avait concocté cette dette seule sans avis ni consultation des 8 autres administrateurs » fulmine Lamanje Dahirou, Administrateur de la SCAN et Président du Conseil d’Administration mandaté. Il ajoute « Les 10 milliards f cfa n’engagent que la SNI. La SCAN ne doit rien à personne. On a voulu liquider la SCAN disait on qu’elle avait une dette de 200 millions avec la Standard Chartered Bank. Le ministre des Finances  de l’époque avait bloqué cette procédure par ce que la dette était fictive. La SNI n’est plus la bienvenue à la SCAN. La COOPROVINOUN a demandé la reprise de ses actions à travers le MINADER. Nous sommes capables de payer le ¼ et les ¾, on échelonne pour effacer la SNI. Les dettes de 10 milliards, l’Etat saura gérer avec la SNI »

Dahirou Lamanje, PCA mandaté de la SCAN

Les producteurs de Foumbot et ses environs semblent avoir été échaudés par la malheureuse expérience de la SCAN. Toute initiative visant à élaborer une stratégie pour la transformation et la conservation de la tomate, est confrontée aux suspicions nées de cette douloureuse entreprise. Ce sera la relance de la SCAN ou rien. Ceux des actionnaires encore en vie y tiennent avec fermeté et le potentiel disponible plaide en leur faveur, même s’il faudra un peu plus pour remettre les machines dans leur état de fonctionnement. « Pour l’instant, tout est fait au niveau du gouvernement. Le Premier Ministre a convoqué une réunion avec des ministères concernés. Il fallait qu’on organise le Conseil d’Administration et l’Assemblée Générale Extraordinaire pour désigner les organes de gestion de cette structure. Les ministères impliqués ce sont mis à l’œuvre, ensemble avec le COOPROVINOUN pour que ce conseil soit convoqué. Il s’est posé un problème de moyens et le premier ministère a demandé au Minfi de débloquer les fonds pour les assises de l’AG et du Conseil d’Administration.  Le ministère des domaines a déjà fait son travail en attribuant des espaces pour la culture des fruits et légumes pour la pérennité de la SCAN et un lot de plus 20 000 hectares. Ce dossier est prêt et n’attend que la réaction du MINFI et celle du premier ministère qui devra annuler la dette concoctée par la SCAN depuis sa fermeture jusqu’à nos jours». Rassure Lamanje Dahirou.

Comment fédérer les énergies autour de ce plaidoyer porté par Dahirou Lamanje et camarades,  encouragé par Inoussa Njoya, le nouveau maire de la commune de Foumbot ? La SCAN est l’un des fleurons de la région de l’Ouest dont la relance constituera une réponse à un défi que le Covid – 19 est venu repréciser. Celui de la transformation puis de la consommation locale afin de réduire l’importation et sortir de l’économie extravertie. Les pertes que subissent les producteurs de tomates de Foumbot et de Bangangté, devraient être perçues comme les résonances du tocsin.

© Alexis YANGOUA

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