Par Louis-Marie Kakdeu
Le Social Democratic Front (SDF) a tenu son dixième congrès ordinaire au Palais des sports de Yaoundé du 27 au 28 octobre 2023. Depuis les années 1960, le SDF est ainsi le seul parti politique au Cameroun à tenir régulièrement les réunions de ses instances dirigeantes et à franchir le cap du dixième congrès ordinaire. Il bat de loin le parti-Etat, l’UNC-RDPC, dont les réunions du comité central ne se tiennent jamais et qui peine à organiser son prochain congrès. Mieux, le SDF a fait du Palais des sports de Yaoundé, le temple de la démocratie camerounaise pendant deux jours. Nous allons faire l’évaluation de ce congrès sur la base de 7 critères qui permettent d’analyser la qualité d’une démocratie et qui permettent de montrer en quoi le SDF demeure à l’avant-garde de la démocratie camerounaise.
Participation : La démocratie suppose la participation de tous aux processus de prise de décision. Le Sdf a organisé un congrès largement inclusif. Aucune région n’a été laissée en marge. La mobilisation de l’ensemble des militants a été exceptionnelle. Environ 2200 délégués ont été accrédités sur les 2400 attendus, ce qui représente près de 92% des délégués présents. Mieux, de tous ces délégués invités, environ 71% ont participé effectivement à la veillée électorale, ce qui est exceptionnel dans un contexte où la mobilisation de certains partis se limite à quelques centaines de personnes. La tradition des congrès veut que l’essentiel des délégués se donnent quartier libre après la cérémonie d’ouverture. Mais, voir environ 1600 délégués passer 48 heures sans dormir en vue de participer pleinement aux travaux en commission et aux élections était exceptionnel. Cela a permis de fermer la bouche des détracteurs qui donnaient le SDF pour mort. La ville a bougé au rythme du parti, ce qui a été une vraie démonstration de force en plein cœur de Yaoundé.
La représentation : La démocratie suppose la représentation de tous dans les instances de prise de décision. Ainsi, toutes les localités du Cameroun et de la diaspora ont été représentées à ce dixième congrès. A l’issue des élections, l’on voit bien que toutes les couches sociales et toutes les régions sont représentées dans les instances de prise de décision, ce qui est une grande marque d’inclusion dans un environnement où l’on déplore une très forte connotation régionale dans les instances dirigeantes des autres partis. 6 régions sur 10 partagent les postes de présidence, ce qui montre l’envergure nationale du parti. Il faut surtout admirer la représentation des femmes et des jeunes au sommet du parti, ce qui est un gage de revitalisation dans un contexte de gérontocratie où la moyenne d’âge des dirigeants du pays est de 82 ans.
L’ouverture de la sphère publique : La réunion a été régulièrement déclarée et les travaux se sont déroulés dans un esprit républicain. La présence des forces de maintien de l’ordre et des agents de renseignement n’a pas perturbé les travaux dans la mesure où le parti n’avait rien à cacher. Même certains de nos amis du G27 ont envahi les environs, pensant pouvoir entacher la bonne marche des travaux. Mais, la sérénité a prévalu et la conduite des travaux n’a donné lieu à aucun motif de contestation. Le jeu a été entièrement ouvert et rares sont les marques de frustration à l’issue de ce congrès. Les délégués ont pleinement joui de leurs libertés d’expression et d’association, ce qui est la marque des grands partis. Les contestations se sont ouvertement exprimées et nos vanguards ont su maintenir l’ordre jusqu’au retour de la sérénité. Aucun débordement excessif n’a été relevé et aucun incident/accident n’a été signalé.
La libre compétition : Les élections ont été ouvertes à toute forme de candidatures, même les plus extravagantes. L’égalité des chances a prévalu dans le traitement des candidats. La campagne s’est faite à l’américaine et le show était de haut niveau. Seul le SDF peut montrer un tel niveau d’ouverture du jeu politique, dans un contexte où règne la pensée unique et où certaines attendent l’arrivée de « messies » supposées se présenter sans challengers. Il n’y a qu’au SDF que le Président sortant remet librement son mandat et se laisse challenger par des concurrents quelques fois désinvoltes. Dans l’essentiel des autres partis politiques au Cameroun, le Président national règne en roi et détient le pouvoir absolu. La simple volonté de le challenger vaut exclusion. Tout s’est convenablement passé au SDF et le perdant a félicité le gagnant dans un grand geste de démocratie et à la grande déception de ceux qui attendaient un score soviétique ou anti-démocratique.
La transparence : Le droit à l’information a été entièrement respecté tout le long des travaux. Il s’est agi probablement du congrès ayant le plus grand nombre d’accréditation des journalistes (plus de 100 organes de presse accrédités). Suite à une accusation d’irrégularité, l’on a même observé la suspension des élections pendant plusieurs heures en vue de satisfaire les besoins d’information des candidats. Tous les candidats ont été appelés autour d’une table et toutes les questions ont été répondues de façon satisfaisante avant la réouverture des opérations électorales. Que c’était beau ! L’on a procédé à la vérification des toutes les accréditations, ce qui a donné lieu au processus électoral le plus transparent de l’histoire des partis politiques au Cameroun. Mieux, le SDF a implémenté le système de bulletin unique, ce qui est une vraie leçon donnée à ELECAM qui peine à se moderniser en vue d’organiser des élections fiables. L’un des moments les plus mémorables de ce congrès a été celui des accolades entre les candidats après la proclamation des résultats en guise de reconnaissance de la défaite des uns et de la victoire des autres. Aux postes de président national, de premier vice et de deuxième vice, les challengers sont serrés la main et se sont embrassés longuement, à la grande déception des détracteurs qui prédisaient l’upcisation du SDF à l’issue de ce congrès.
Le respect des règles de droit : Les statuts du parti ont été entièrement respectés. Chaque action a été posée en faisant mention des dispositions statutaires pertinentes. La réglementation nationale a été aussi entièrement respectée. Il n’y a pas eu d’acte de vandalisme de la part des militants. Les délégués ont su exprimer leurs désaccords avec l’ordre régnant et inscrire dans les résolutions leurs prochaines stratégies de lutte. Il s’agit par exemple de l’association des partenaires sociaux dans la lutte politique en vue d’utiliser les instruments de droits en vigueur pour faire entendre nos voix dans le respect des droits humains.
La pertinence du contenu politique : Le SDF propose le modèle social-démocrate comme alternative pour le développement de notre société. Il s’agit en gros de soutenir la production d’une part et de revendiquer la redistribution équitable des fruits de la production d’autre part. Cela passe par la défense du souverainisme qui prône l’indépendance et l’autonomie de notre pays. Il s’agira de défendre la production et la transformation locale de nos ressources naturelles d’une part, et d’assurer un meilleur traitement salarial, une bonne retraite ou une bonne couverture santé-maladie d’autre part. Le SDF s’est donc affirmé comme étant un parti à la fois panafricaniste et souverainiste, un son de cloche donné aux forces d’oppression tapies dans l’ombre à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières.
Tout cela se résume par le vocable de la gouvernance, ce qui montre qu’en 2023, le SDF est « transformés et plus déterminés » pour affronter les échéances à venir. Il convient donc de dire que « SDF is back (le SDF est de retour)». Cela a été d’ailleurs ressenti dans la totalité des prises de parole des autres partis et partenaires invités (UNDP, UPC, NMP, PCRN, MRC, MOREP, FDC, Syndicats, PLD du Tchad, PPA-CI de Côte d’Ivoire, etc.) qui ont tous appelé à former une coalition gagnante avec le SDF. Cette main tendue a été immédiatement saisie et c’est dans cette perspective qu’il faudra inscrire les prochaines actions prioritaires du parti. Les délégués sont repartis du Palais des sports satisfaits de leur congrès et se mettant en ordre de bataille pour les futures échéances électorales d’ici 2025. Que ces élections soient anticipées ou non, le SDF est désormais prêt.
Source: Le messager