Chefferie Bagam : pour le trône, ils ont tué.

2 corps de jeunes sur le carreau et de nombreux blessés. C’est le bilan de la tentative du retour forcé de Fon Tendop

« Intronisé » sous le préfet Ernest Ewango Butu et prié de libérer les lieux pour besoin de sécurité par le préfet Etapa, le 16 Novembre 2023, le prince Fon Tendop Zossie a essayé de prendre position de la chefferie Bagam, après que son frère Mouoyebe Zossie Mathurin, ait été mis en garde à vue administrative par le gouverneur Awa Fonka Augustine. Après l’incarcération de ce dernier à la prison centrale de Bafoussam, les affaires courantes sont assurées par des notables « intronisateurs » qui n’entendent pas céder les lieux à Fon (Jumeau) Tendop.

Le 15 Novembre 2023, au cours de sa tournée de prise de contact dans le village Menfou, en qualité contestée  de chef Bagam, le prince Tendop a fait face à un mouvement de contestation d’une partie du peuple. Une situation qui aurait pu le convaincre de ce que la suite à Bagam centre ou chefferie, le 16 Novembre était porteuse de risques. L’autorité administrative qui dispose assez de moyens, aurait dû anticiper et éviter d’être acteur dans cette bataille inutile.

Majoritairement contre le prince Tendop, au regard de l’ambiance qui y régnait, le peuple avec les notables ont fait chorus pour empêcher la réinstallation du chef approuvé par l’autorité administrative. Dans une action de nettoyage des lieux avant l’arrivée du cortège transportant ce dernier, la gendarmerie a fait éruption sur la place du marché de  Bagam . Il était environ 11 h30. Les détonations de pistolets lacrymogènes sont entendues ça et là, et puis, les tirs des armes réelles. La foule va converger vers l’intérieur de la chefferie pour se protéger et  surtout se constituer en bouclier protecteur  de la citadelle. Les élèves de l’école publique de la chefferie, vont se presser pour sortir des salles de classe ; les plus costaux ont choisi de sauter par les fenêtres, marchant sur les plus petits pour se mettre à l’abri du gaz et des balles. Il y aurait eu aussi quelques blessés parmi les enfants.

Au même moment, les blessés sont transportés à la petite infirmerie de la chefferie. Philipe est atteint par balle dans l’abdomen  et un autre  cas dont la main droite est entièrement broyée. Ils sont tous  aussitôt référés  par moto à Mbouda, au chef lieu du département des Bamboutos. D’autres ont eu des égratignures sans moindre gravité. Quelques personnes soupçonnées d’appartenir au clan Tendop sont capturées et gardées derrière l’une des cases sacrées.

Dans cette bataille, le jeune BOZO, la vingtaine, a pris  des balles dans la poitrine et le  corps gît  sur la place du marché. Autour de sa dépouille, la colère et les pleurs s’intensifient. Heureusement, les gendarmes se sont retirés à leur base à Galim . « Nous avons repoussé les assaillants. Aller dire au gouverneur que nous sommes prêts à mourir avant qu’il n’installe Tendop. N’a t – il pas aussi de village ? », lance un groupe de jeunes très furieux. Les « assaillants » sont ici mis pour la gendarmerie. A Bagam, le discours durcit et la population se radicalise.

Aux environs de 16 heures alors qu’un deuil traditionnel est organisé autour du corps de BOZO, le temps aussi de décider sur la direction que prendra la dépouille, la foule se déchire et les pleurs reprennent de plus belle : Philipe vient de rendre son âme à Dieu. 2ème décès. Un 3ème est annoncé ; mais nous n’aurons  plus la possibilité de vérifier cette information qui est donnée avec conviction.

A notre arrivée dans l’enceinte de la grande cour royale de la chefferie  avant l’incident , nous apercevons une scène en pleine production devant l’une des importantes cases sacrées, située à l’extrême gauche de l’entrée des résidences du maître des lieux. Dans la petite foule, on peut apercevoir quelques guerriers traditionnels. Au centre de l’attroupement, un homme dont l’âge peut être situé dans la soixantaine.  Torse nu, il porte une cuvette sur le crâne.  A peine avons – nous effectué quelques pas pour en savoir davantage, que nous sommes stoppés net par un homme, qui se présentera comme étant l’un des 9 notables Bagam. Très humblement, il partage avec nous ce qui s’y passe. Il s’agirait d’un « soit disant notable » qui joue pour le prince Tendop. « Nous l’avons appréhendé et nous l’avons amené là bas pour qu’il puisse jurer dans la case sacrée, que Tendop est le chef Bagam. Nous ne lui ferons aucun mal. C’est un frère égaré » précise t – il.  Pendant que nous l’écoutons, les regards rivés  sur la scène, le monsieur est poussé manu militari  dans la case et il y sortira quelques minutes plus tard. Qu’a t – il dit aux ancêtres ? Nous sommes  préoccupés pas l’envie de rencontrer les notables qui assurent les affaires courantes. Ils sont confortablement assis dans l’arrière cour qui conduit aux logements privés du chef.  « Nous sommes ici jusqu’au retour  du chef Mouoyebe Zossie. Je n’ai pas arrêté Tendop Zossie. Nous attendons notre chef Mathurin Mouoyebe Zossie Paul Biya, même s’il fait 10 ans en prison… », déclare Tetang Moïse, l’un des notables membres des 9.

Vers une succession à la pyrrhus ?

« Constate que le document intitulé « TESTAMENT », ne répond pas à la nomenclature des testaments telle que prévue par les articles 970 du code civil …». C’est l’extrait du plumitif de l’audience civile et commerciale du Tribunal de grande instance des Bamboutos du 16 Mars 2023. L’élément sur lequel est fondée la succession du prince Tendop, soutenu par les autorités administratives de l’Ouest était ainsi mis en doute par les juges ; renforçant évidemment la conviction du prince Mouoyebe Zossie et ses proches, qui n’ont de cesse de clamer  que ce testament était un faux  document fabriqué, avec la complicité du préfet d’alors.

Avec ces morts enregistrés le 16 Novembre 2023 et qui seraient au nombre de trois (3), n’est – il pas temps de trancher cette affaire  à la lumière du décret du 15 juillet 1977, qui nulle part, évoque la prise en compte du testament dans la succession des chefs traditionnels. Pourquoi ne pas soumettre les notables à une élection dès lors qu’il y a divergence de vue sur le choix du chef ? C’est ce qui se passe ailleurs, notamment dans les parties septentrionale et centre – sud du Cameroun, avec la bonne appréciation de tous. Combien de vies  devraient – ils sacrifier pour installer quelqu’un au trônes Bagam ?

Le Premier Ministre devrait siffler la fin de cette dispute qui  non seulement a commencé à faire couler le sang des Bagam et diviser profondement ses enfants,  mais également intensifie le dédain du prince Tendop qui, même installé dans cette chefferie, attendra de cette population pour sa sécurité. Les chefs de l’Ouest devraient aussi revoir leur mode de succession afin de limiter la forte implication des ploutocrates et autres membres du gouvernement, devenus des faiseurs de roi à la place  des notables assermentés.

© Alexis YANGOUA

 

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