Le président Paul Biya a servi son pays parfois avec loyauté. Maintenant, le peuple veut le toucher, échanger avec lui pour puiser dans ses précieuses connaissances.
Le cardinal Christian Tumi quitte le monde des vivants à sa 90ème année de vie, donc 2 ans de plus que SE Paul Biya, président de la République du Cameroun depuis 1982. Depuis le 03 Avril 2021, jour du décès du premier et unique cardinal du Cameroun, des témoignages fusent, appuyés d’images. On peut donc conclure que le cardinal a reçu presque tout le monde et partagé son vécu avec ceux qui en désiraient. Peut être son métier de prélat lui imposait cette disponibilité et l’obligation d’être au service de l’humanité. Soit !
Homme engagé suscitant quelques fois des incompréhensions, Christian Tumi était un réservoir de connaissances sur la marche des affaires de son pays. Nous avons eu l’occasion de les apprécier et d’en jouir le 24 Octobre 2020 alors que nous faisions partie de la suite (médias) de la présidente nationale de l’Union Démocratique du Cameroun(UDC), l’honorable Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya, en tournée dans la région du littoral. Elle avait alors inscrit au menu de sa visite politique, la rencontre de Son Eminence Cardinal pour lui rendre compte du décès et des obsèques de son ami Dr Adamou Ndam Njoya, aussi lui présenter son héritier, Njimonkouop Ayman Ndam Njoya. A ses visiteurs, le Cardinal avait brossé son passé avec Dr Adamou Ndam Njoya en son temps ministre de l’éducation nationale et ensuite comme leader de l’UDC. Dans un style toujours plein d’humour, le prélat avait trouvé, dit – il, l’héritier trop jeune, avant d’assurer la famille de son entière disponibilité à contribuer à la maturité de son nouveau chef. Par l’occasion, il avait alors insisté sur sa maturité spirituelle, l’une des qualités fondatrices des rapports qui le liaient avec son géniteur. En se mettant à la disposition du public, le cardinal Christian Tumi a restitué aux Hommes, ce qu’il a reçu des Hommes et de Dieu. Bravant parfois des interdits initiés par certains administrateurs zélés. En guise de regret d’une occasion manquée, la All Anglophone conference entreprise avec une bonne brochette d’acteurs originaires des régions en crise, en vue de proposer des solutions à ce lancinant problème dit anglophone, aurait pu constituer une autre instance de partages de son vécu, notamment avec la jeune génération qui faute de connaissances, est muée en girouette téléguidée par des extrémistes de tout bord. Le Cardinal était certes au Grand Dialogue National, mais selon certaines sources, le cadre ne serait pas approprié pour qu’il puisse exprimer ses idées.
Que dire de Paul Biya ?
« En Afrique, quand un vieillard meurt c’est une bibliothèque qui brûle », extrait du discours d’Amadou Hampâté- Bâ devant l’Assemblée de l’UNESCO ; nous sommes en 1960. L’écrivain et sage malien exaltait la tradition orale africaine dont la préservation lui paraissait impérative. La parfaite connaissance des dossiers du Cameroun, Paul Biya en a à partager et même à vendre s’il en faut. Sa biographie nous rappelle qu’il fut secrétaire général de la présidence de la République entre 1968 – 1975(ministre d’Etat en 1970), puis premier ministre en 1975. L’actualité politique nationale de ces années est dominée par le procès d’Ernest Ouandié et autres. Le SGPR garde certainement certains éléments pouvant soit contredire, soit compléter ce que les historiens ont jusque là servi au public. Il occupe ces hautes fonctions pendant une période charnière en termes de création de grandes entreprises d’Etat et privées, aussi de révolution dans la diplomatie camerounaise. Selon certaines sources, il serait aussi dans les couloirs de la conférence de Foumban (17 au 21 Juillet 1961), entre autres événements qui ont marqué l’histoire du Cameroun fraîchement indépendant. A ce niveau de responsabilité, Paul Biya est sans nul doute le dernier des mohicans, le seul à même d’égratigner le système et déclassifier quelques segments de l’histoire du Cameroun. Bien sûr, qu’on n’attendra pas de lui l’exposition des sujets classés ‘’secret de l’Etat’’, au risque d’ouvrir des placards inutilement nocifs pour la cohésion nationale. Paul Biya en sait tellement que des tonnes d’écrits ne pourraient contenir l’entièreté de son savoir.
S.E Paul Biya a apporté du sien pour l’édification d’un Cameroun moderne certes, mais Il lui est reproché sa permissivité par rapport à la corruption, à la gabegie et au népotisme qui gangrènent les cercles du pouvoir et l’aident à se maintenir au gouvernail. Mais, ce que sollicite la jeunesse camerounaise et africaine, notamment scolaire et estudiantine c’est d’avoir cette possibilité de pouvoir accéder à cette immense bibliothèque que la providence a créée et entretenue et qui, malheureusement est coincée dans les serres du pouvoir. C’est est un monument que tout africain aimerait toucher, une source à laquelle beaucoup iraient s’abreuver pour leurs thèses, mémoires ou tout simplement pour renforcer leurs capacités cognitives. Se libérer de ce pouvoir, sorte de fardeau qui a pratiquement absorbé aussi bien sa jeunesse que sa vieillesse, et se mettre physiquement à la disposition du petit peuple, c’est tout ce qu’on peut souhaiter au père du renouveau « national ». Se donnerait – t- il aussi l’occasion d’apprécier et de juger l’habileté de son « héritier ».
Le Cardinal Christian Tumi aurait comblé les cœurs avant de tirer sa révérence et le contenu des témoignages faits au cours de ses obsèques, le 20 Avril 2021, l’illustre avec force. Nous osons croire que le patriarche Paul Biya prendra sa retraite pour ne pas être traité par l’histoire, comme cette bibliothèque qui aura disparu avec une partie aussi précieuse de son contenu, par ce que coincé dans l’engrenage du pouvoir.
© Alexis YANGOUA