Ouest/ COVID – 19 : L’Economie régionale patine.

Louis Roger Serges Fankam Djoumessi

« Les CTD restent pour nous des leviers sur lesquels nous devront nous appuyer pour présenter une réponse idoine »

Selon le Groupement Inter- Patronal du Cameroun (GICAM), 92% des unités de production sont négativement impactées par le COVID – 19  et  87% des entreprises nationales  sondées ont procédé à des mises au chômage. Des indicateurs  qui ne surprennent guère, chacun vivant désormais  les conséquences des mesures barrières  jusque dans le poids et la qualité de son déjeuné et dîné. Même le secteur informel qui en temps normal jongle  avec les mailles, est pris dans les filets de la distanciation sociale et la restriction des heures d’activités. Dans la région de l’Ouest, les activités agricoles et champêtres n’ont pas connu de répit, seulement il faut débourser un peu plus pour le transport des produits. Pour rattraper leurs recettes, quelques transporteurs  sont  allés jusqu’au double des tarifs habituels. Ceux qui tirent leurs pécules de la vente des produits  brassicoles et autres activités nocturnes n’y parviennent plus. Les mesures d’accompagnement sont attendues et le Chef de l’Etat aurait donné des instructions aux  départements ministériels compétents afin que des études y relatives soient menées. Malgré la présence et la propagation de ce virus qui érode lentement et sûrement l’économie, quelques observateurs avertis et spécialistes s’accordent à dire que cette crise sanitaire  pourrait être transformée  en opportunité si les intelligences sont aussi orientées vers l’avenir.  Délégué Régional de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire pour l’Ouest (DREPAT/O) et Ingénieur Agro économiste, Louis Roger Serges Fankam Djoumessi estime que la région du soleil dispose d’une rampe solide.

Bientôt deux mois que les camerounais sont soumis au respect des mesures de lutte et de riposte contre le Coronavirus, comment percevez – vous l’environnement global de l’Ouest ?

Ce qu’il faut dire de manière générale, c’est que les mesures du Gouvernement  qui ont pris effet le 17 Mars 2020, ont commencé à générer un certain nombre d’attitudes. Nous sommes en cache – nez aujourd’hui, c’est une des mesures selon les  orientations. La distanciation sociale est  plus ou moins respectée par endroits. Mais ce qu’il faut dire, il y a un changement, on a besoin de s’adapter au nouvel environnement. Globalement, ce qu’on peut relever c’est une baisse globale de l’activité quel que soit le secteur sauf pour ceux qui sont bien équipés avec les NTIC et qui, en termes d’échanges d’activités  peuvent maintenir un niveau acceptable.

Quelles sont les conséquences immédiates et à long terme ?

Maintenant, pour venir aux conséquences, nous regardons notre région avec le secteur informel. Je prends un cas, en 1976, ici à Bafoussam, dès 6h15mn les boutiques étaient ouvertes ici au marché. Mais de plus en plus les boutiques s’ouvrent entre 8 h – 8h30mn. Vous voyez que sur une période de 40 ou 44 ans, l’attractivité du marché n’est plus observée. Maintenant, quand il faut se récréer, la vie commence à 18h autour des bars, des grillades …jusqu’à 6heures du matin. Ces mesures coupent nettement ces activités là, pour les réduire sur une période diurne avec bien entendu la distanciation sociale. On relève que seuls ceux qui cherchent leur pitance journalière  sont en parfait  mouvement, le confinement étant beaucoup plus observé que par ceux qui peuvent faire 10 à 15 jours sans avoir besoin d’aller chercher leurs revenus. Les conséquences de la baisse de toutes ces animations à notre sens vont se mesurer auprès de  deux instances : Les impôts seront le bon guichet pour identifier l’impact de cette adaptation à la présence du COVD – 19. Suite aux recouvrements et en les comparant à la même période en 2019, on pourra établir les évolutions selon les différents  postes. Maintenant, la partie la plus difficile, me semble-t-il, et qui devrait constituer un point d’attention, c’est qu’il n’y aura plus de situation sans COVID – 19. On va être appelé à s’adapter à ce nouveau contexte pour peu que le pic soit passé, les précautions qui ont été édictées par rapport aux mesures barrières  devront continuer à  être respectées. C’est ainsi que nous pouvons à la régulière envisager une situation au bas mot sur 12 mois.Si nous sommes confinés, si nous ne produisons plus pour satisfaire  les demandes suffisamment exprimées, on pourrait se retrouver dans une situation critique en termes d’approvisionnement alimentaire, soit alors dans l’impossibilité d’assurer la mobilité des uns et des autres. Face à cette situation, il va donc falloir que la réflexion soit initiée et menée avec une bonne quantification. Imaginez – vous que vous ayez 5000 ménages qui travaillent entre 18 h et 6h du matin.95% de ces 5000 ménages ne travaillent plus depuis que les mesures sont respectées. Comment faire pour que mort ne s’en suivent pas ? Les spécialistes sauront vous le dire. Voilà comment est ce que nous percevons cette situation.

Sur quel(s) levier(s) la région de l’Ouest devra t elle s’appuyer pour rebondir après le coronavirus ?

La culture est assez développée à l’Ouest, c’est-à-dire que la région de l’Ouest sur le plan culturel présente un avantage comparatif certain autour duquel la stratégie du développement  des secteurs productifs  peut permettre que, ne disposant pas assez d’espace, mais ayant différents talents, qu’on puisse utiliser les arts et la  culture comme racine, mais aussi  la recherche scientifique et l’innovation comme des socles qui vont nous permettre d’alimenter des secteurs prioritaires que sont l’agriculture, l’ élevage, le tourisme… afin de permettre aux gens d’aller dans une situation où chacun a un emploi précis.C’est un travail qui est en train de se faire sur le plan de l’orientation générale au niveau de notre délégation. Sur le plan du renforcement de la production agricole, de l’artisanat et du développement technologique et industriel. Le modèle qui est proposé pour la région de l’Ouest a pour socle les arts et la culture.

La commune étant  la plateforme de l’animation des activités socio économiques locales. Comment peut-elle contribuer au rattrapage du gap créé par COVID – 19, et même au dépassement de la situation  avant la pandémie ?

Nous disons que l’opportunité a été donnée l’année dernière par le chef de l’Etat à travers  sa circulaire sur la préparation du budget 2020, qui demande aux communes de s’arrimer à la budgétisation par  programme au plus tard le premier janvier 2020. Si l’ensemble des communes de notre région avaient  respecté cela, on serait en droite ligne de penser que la structuration et la mise en œuvre  de ces programmes, pouvait être une réponse majeure à la situation vécue. Notons en passant que sur 40 communes de la région, seules 29 ont déjà effectué cette migration.On a une nouvelle cuvée de maires. Si j’avais une suggestion à l’ensemble de ces maires qui ont généralement comme contrainte la difficile saisine des opportunités, c’est de trouver l’alchimie par laquelle les liens institutionnels entre les Très Petites Entreprises, les Petites et Moyennes Entreprises et Collectivités Territoriales Décentralisées(CTD) doivent s’effectuer. Une dynamique qui doit permettre  à celles-ci par la couverture des CTD de se voir accorder une visibilité et une  garantie, dans la construction de leur appareil de production. Elles pourraient ainsi, bénéficiant de quelques financements, se spécialiser pour répondre à la demande. C’est dans cette direction qu’on doit aller et beaucoup plus vite. Le COVID – 19 nous a surpris mais, peut-être qu’en le transformant, il peut devenir une bonne opportunité, par ce que nous pensons que c’est de cette situation particulière  que l’accélération de la décentralisation peut prendre corps, avec comme finalité de créer le maximum d’emplois en zones rurales et urbaines. Le COVID – 19 sévit et frappe, mais nous regardons dans la direction de l’opportunité qu’il nous apporte. Et cette opportunité c’est quoi ? C’est que l’ensemble des communes puisse définir leurs programmes et qu’à l’intérieur de ces programmes, la finalité recherchée soit la création maximale d’emplois et d’opportunités  pour résorber le chômage des jeunes qui reste une préoccupation constante. Les CTD restent pour nous des leviers sur lesquels nous devront appuyer pour présenter une réponse idoine.

Les communes à leur tour peuvent exprimer quelques sollicitations en direction du MINEPAT pour renforcer leur capacité à répondre aux attentes actuelles et futures.

Prenons un cas, le Ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT) en 2014, a fait financer 4 unités de séchage rapide de maïs dans les Bamboutos, nous pensons qu’en interpellant la recherche, sur le plan régional pour l’animation d’un projet en grandeur  nature, ces populations peuvent par exemple se rendre compte de la programmation des semis au mois de Mars, elles pourront organiser des séances de séchage rapide de maïs au mois d’août. Un maïs disponible deux semaines après la récolte, sur le plan prospectif, on peut aller voir ce que ça génère comme activité. Les médias doivent continuer à sensibiliser le peuple pour apporter des réponses aux vraies questions qui sont là, et pas à être perdu dans la distraction. Il y a des initiatives qui existent, il va seulement falloir que de petits coups de pouces soient donnés, que des exemples qui existent soient publiés et que le peuple comprenne ce qu’il peut faire pour s’en sortir face à cette crise sanitaire qui inquiète.

Au niveau régional, le Gouverneur de l’Ouest a mis en place un comité régional de lutte contre la COVID – 19 élargi à certains membres. Au fur et à mesure que les sessions vont arriver, et lorsque  le plus urgent sera adressé, on va reprendre en termes d’initiatives, d’impulsion et de construction de l’appareil de production locale. C’est alors que la sensibilisation par rapport à l’élaboration d’une riposte sur le temps pourrait prendre place. Au niveau du MINEPAT déjà, nous sommes sur le chantier de la conception d’une stratégie régionale programme pour le renforcement de la production agricole, du développement de l’artisanat, technologique et industriel. Une fois que ces idées seront générées, il faudra immédiatement les mettre en application, par ce que la situation se pose sur le terrain et elle doit être résolue sur le territoire par ceux qui y vivent par ce que nous ne sommes plus à une époque où nous générions des théories. Nous avons besoin de résoudre de manière concrète, efficace et efficiente un problème qui est sur le terrain.  Il y a par exemple 50 000 qui n’ont pas d’emploi, comment faire sur la base des ressources disponibles pour qu’une initiative soit prise pour résoudre cette situation.

© Alexis YANGOUA

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