Ouest – Chefferie : les modes successoraux pris en otage.

Bagam, Bangou et même Bandjoun hier, sont la preuve qu’à défaut de réviser le décret de 1977, pourtant organisation des chefferies traditionnelles, L’État doit penser à l’harmonisation des pratiques dès lors que les chefs eux – mêmes, ne se montrent pas capables de pouvoir régler le problème qui pourtant, dénature leur existence et leur Être.

La mystification à outrance de la succession dans les chefferies de Grassfield et Bamiléké en particulier, a ouvert la brèche aux intrus dont la nuisance semble ne plus connaître de limite.

Le 17  Novembre 2023, il y a eu mort d’hommes et de nombreux blessés à Bagam dans le département des Bamboutos. L’année d’avant, le crash entre les partisans de deux prétendants au poste de  chef de groupement Bangou, dans le département des Hauts Plateaux, avait débouché sur l’hospitalisation de quelques  bélligérants. À Tesse dans le Nkoung – Khi,  le chef Bandjoun dont la légitimité est restée en travers de certaines gorges, a du mal à faire appliquer ses instructions. Le Sous préfet ayant choisi un chef pour ce quartier contre la volonté de l’autorité traditionnelle de tutelle, SM Djomo Kamga Honoré dont la succession pourrait se passer comme son intronisation. A Bangangté, ça susurre et rien n’est véritablement certain après SM Nji Moluh Seidou Pokam. Il succéda à son demi -frère SM François Nziké Pokam ; tous fils de S M Pokam Nziké. Les pro – SM François Nziké Pokam estiment que le trône devrait leur revenir. La plupart des  chefferies de l’ouest sont ainsi hissées sur des volcans en phase de fusion.

À l’ouest Cameroun, région réputée respectueuse de ses traditions et cultures, quelques fois aux mépris des valeurs républicaines ; Progressivement et sereinement, la succession des chefs se prépare davantage dans les chambres et bureaux des non initiés. Membres de gouvernement, Hommes d’affaires, parlementaires réputés militants du parti au pouvoir, intellectuels introduits, sont entre autres ceux qui décident dorénavant de qui du fils ou du frère sera le héritier du chef quand ce dernier s’en dormira. « Les notabilités coutumières compétentes » comme entité devant être obligatoirement consultée, selon l’article 11 du décret du 15 juillet 1977, sont soit écartées, soit mises sous les bottes des hommes et femmes sus mentionnés. Ceux des notables et autres dignitaires qui affichent une certaine résistance au dévoiement du mode établi et sacré, sont placés dans la ligne de mire des autorités administratives, détentrices du droit  de la brutalité dit – on légitime.

« Les chefs traditionnels sont en principe, choisis au sein des familles appelées à exercer coutumièrement le commandement traditionnel. Les candidats doivent remplir les conditions d’aptitude physique et morale requises, et savoir autant que possible, lire et écrire » dispose  l’Article 8 du décret du 15 juillet 1977, portant organisation des chefferies traditionnelles. La prééminence ou la prise en compte du testament n’est évoquée nulle part. Par contre, l’article 8 autorise les candidatures et les conditions à remplir. Dans la logique d’une harmonisation des démarches successorales dans les chefferies, ces candidatures enregistrées sous le contrôle de l’autorité administrative compétente, seront ensuite soumises à la décision des notabilités coutumières assermentées (Article 11). Ces dernières peuvent procéder par voie de vote, comme cela se passe dans le septentrion et une partie du grand Sud ; ou par voie de consensus, toujours est – il qu’il faut éviter des dissensions ouvertes  entre les membres du collège électoral.  Certes, les grands électeurs étant connus et aisément  identifiables, ne sont pas à l’abri de la corruption ; mais on aura élagué des  fausses notabilités, créées pour entretenir le conflit,  le temps de faire fonctionner l’imposture.

Suggestions

Par ce que nous sommes en République, le gouvernement doit avoir le courage de transcender tous les us, sujets aux tripatouillages de toute nature, pour laisser la responsabilité aux notables d’exercer leur rôle. Pour éviter le soupçon de fausses notabilités, décriées dans les cas de Bagam et Bangou, le décret de juillet 1977, peut dans son ajustement, exiger explicitement que le fichier de ces « notabilités coutumières compétentes» d’ailleurs immuables,  soient rendu public et copie détenue par l’autorité administrative compétente.

Il reviendra aussi aux notabilités assermentées et électeurs,  de régler les différends entre leurs lignées respectives ; d’ailleurs celles présentant un bicéphalisme à leur sommet, seront rayées de la liste des « électeurs » ou suspendues du fichier des électeurs, le temps que la  crise soit solutionnée. On pourrait pour le cas de Bangou, rassembler les candidatures produites par les lignées de kemajou (dont la légitimité est reconnue par une frange de chefs traditionnels de l’Ouest) et de Tayo Il (fils du récent défunt chef) ; et par voie d’élection, le héritier est choisi. La même thérapie peut être appliquée au  conflit qui régne à Bagam.

La sécurité du chef en dépend. Comment un leader imposé  fera t- il pour tenir dans un environnement  hautement hostile, avec des hommes et femmes déterminés et résilients ?  Malgré son soutien bruyant et ses discours impératifs, l’autorité administrative n’aura jamais les moyens pour sa protection. Le chef, c’est sa notabilité, ensuite, son peuple. Avant toute  décision, on doit s’assurer d’un minimum d’accord entre les trois entités.

La succession chez les Muketé dans le sud Ouest est un modèle qui peut aussi être dupliqué. Ainsi, le héritier est officiellement connu avant le décès du chef. Cela éviterait des intrusions nocives comme les élites savent si bien le faire avec le soutien des « Ngomna » autorités administratives. Dans le Noun, le premier prince est d’office le  héritier du Fon, sauf accident de parcours, il remplacera son père sans la moindre contestation. Voilà quelques cas qui, au-delà des particularités et spécificités observées çà et là,   peuvent enseigner et offrir des possibilités à la volonté  de s’arrimer à la dynamique du Cameroun.

La parade avec le Ministre de l’Administration Territoriale ne  vaut pas onction face à un peuple déterminé par ce qu’il  a foi aux  « notabilités coutumières compétentes ». Ce sont ces dernières qui décident et le peuple défend et protège le choix qui lui a été donné. Les entourloupes qui consistent à dire « le peuple ne choisit pas le chef » sont un faux – fuyant secrété  par des loups pour justifier l’intervention de l’autorité administrative en leur faveur. De toute façon, quelque chose doit être faite pour atténuer les conflits  sans cesse croissants que générent les successions  des chefs dans la région Binam.  Ils  iront grandissant tant que les élites bourgeoises sans scrupule,  y trouveront matière à se faire quelques avantages, et  tant qu’on ne tiendra pas compte des réalités et des  exigences du contexte

En même temps, dans l’affaire Bangou, où est passée la commission qui avait été commise par le Premier Ministre pour étayer la situation et laisser jaillir la vérité ? Les mêmes loups auraient actionné sur  leurs  bras longs pour bloquer son déploiement sur le terrain.  Ils ont réussi à installer le flou et le peuple est resté dans la résistance.

© Alexis Yangoua

 

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