Pr Joseph Owona, le dernier des Mohicans !

20 ans après son passage au Ministère de l’Éducation Nationale (Mineduc du 18 mars 2020 au 8 décembre 2004), Joseph Owona s’en est allé le 6 janvier 2024. Dans le bouillonnement tumultueux des témoignages laudateurs qui contrastent avec ceux plus critiques sur l’intellectuel et l’homme politique, une constante demeure. En effet, comme pour tout personnage public, il y a une part d’ombre qui côtoie une part de lumière. Syndicaliste du Snaes ayant été dans les coulisses et au premier rang des négociations entre les syndicats d’enseignants et le Mineduc dans les années 2000, ce sont les quelques avancées enregistrées sous son magistère que je voudrais mettre en exergue dans ce témoignage.

Le tout dernier Mineduc qu’est Joseph Owona est arrivé à la tête de ce mammouth avec sa réputation de « sapeur-pompier » que lui reconnait une certaine opinion après son passage au Ministère de la santé publique de 1994 à 1996 où, en très peu de temps, il a opéré des réformes salutaires. Il succédait ainsi à monsieur Charles Borromée Etoundi (Ministre d’Etat/Mineduc, 1997-2000) qui aura marqué son passage par le concept de « l’école ordinaire » dont le principal axe aura été sa tentative avortée (torpillée ?) de nationalisation de la production et de l’édition du manuel scolaire. Joseph Owona arrive donc au Minesec après la parenthèse Etoundi qui a permis de décrisper les rapports entre les syndicalistes et le ministère, rapports rendus très délétères par le Dr Robert MbellaMbappe (Mineduc, 1992-1997).

Acquis et descente aux enfers

Malgré sa raideur et ses sorties qualifiées de « xénophobes » sur des sujets politiques et identitaires, Joseph Owona a profité de sa grande proximité avec le Président Biya pour faire avancer quelques dossiers prioritaires de son département ministériel. Entre autres :

Le décret N° 2000/359 du 05 décembre 2000 portant Statut particulier des corps des fonctionnaires de l’Éducation Nationale ;

Le décret N° 2001/041 du 19 février 2001 portant organisation des établissements scolaires publics et fixant les attributions des responsables de l’administration scolaire ;

La Loi N° 2004/022 du 22 juillet 2004 fixant les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement de l’enseignement privé au Cameroun.

La perspective de l’élection présidentielle de 2004 va déterminer la suite de la trajectoire de Joseph Owona à qui une certaine opinion prête à tort ou à raison les intentions d’être calife à la place du calife. Le 14 octobre 2001, il se laisse en effet aller à quelques confidences au cours de l’audience qu’il accorde au Secrétaire Général du SNAES, monsieur KAMDEM Jean, et à moi-même, alors Secrétaire National à la Communication. Ainsi évoque-t-il par exemple des raisons politiques liées à sa réputation de « sapeur-pompier qui réussit là où tous les autres ont échoué » pour expliquer le blocage par le Secrétariat Général de la Présidence de la République des textes d’application  du Statut particulier des Enseignants. Vrai ou faux ? Je ne saurai le dire. Toujours est-il qu’il devient très impopulaire suite aux résultats catastrophiques au baccalauréat session de 2004 (21%) dans un contexte de préparation de l’élection présidentielle. Et comme pour lui donner raison et réduire son influence réelle ou supposée, le Mineduc se voit amputé d’une partie de ses attributions avec la création du Ministère de l’Enseignement Technique et Professionnel (Minetfop). Cet éphémère nouveau ministère ne dure que deux ans (2002-2004) avant de revenir sous le giron du Ministère des Enseignements Secondaires (Minesec) à la faveur de la réorganisation du gouvernement et du décret N°2005/140 du 25 avril 2005 portant organisation du Minesec. Louis Bapès Bapès va  lui succéder en 2004 et on sait ce qu’il est advenu du Minesec depuis lors… Un terreau fertile au développement des « affaires » et de la corruption, où « la norme est écartée et l’écart normalisé ».

Augustin NTCHAMANDE

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